Dans un élan de bon thé
Les premiers jours, les nouvelles de Pu’er furent bonnes.
Les négociations avec l’unique fournisseur de chevaux de la ville allaient bon train, et mes échanges officieux avec des contacts peu scrupuleux à la préfecture semblaient rencontrer un écho favorable.
Parallèlement, j’avais chargé mon meilleur commis de recruter des hommes triés sur le volet parmi la main d’œuvre locale.
C’est alors que de mystérieux concurrents entrèrent dans la danse, et l’horizon s’assombrit.
L’arrangement avec l’éleveur de canassons, que je jugeais pourtant mutuellement avantageux, fut finalement remis en question. D’après lui, il s’était vu proposer un meilleur prix, et si je cru tout d’abord à une tentative grossière pour faire monter les enchères, j’appris par la suite qu’il avait effectivement conclu avec un autre.
Quant aux fonctionnaires corrompus de la préfecture, ils avaient apparemment accordé leurs faveurs à un mécène plus généreux que moi.
Fort heureusement, en y mettant le prix, notre équipe s’était étoffée avec succès des profils les plus intéressants que nous avions pu trouver.
Sans plus attendre, je scindai mes hommes en plusieurs équipes.
L’une fut chargée de remonter le plus rapidement possible la route du thé et de signer des contrats dans les provinces qu’elle traverserait.
Une autre, accompagnée par les guides que nous avions enrôlés, reçut pour mission de cartographier les routes secondaires praticables qui nous permettraient de livrer plus efficacement les provinces lointaines en coupant par les massifs montagneux.
Je chargeai la troisième et dernière troupe d’établir des comptoirs le long de la route pour servir de relais logistique.
Ils sont tous partis maintenant depuis une semaine, après que j’ai lourdement insisté sur la nécessité de donner le change aux inspecteurs et autres collecteurs de taxe de la préfecture. Je crains que ces importuns mettent le nez dans nos affaires au niveau des provinces où nous dégagerons les meilleurs bénéfices.
Je ronge d’autant plus mon frein en songeant à la concurrence qui pourrait, si nous tardons trop, ouvrir la route avant nous, s’adjugeant ainsi les meilleurs marchés. Dans mes pires heures, j’imagine mille façons dont ils pourraient user de leur influence administrative pour nous retarder.
Une fois les premières livraisons effectuées, la trésorerie dégagée ne sera pas de trop pour relancer ce satané éleveur. Il me faut absolument trouver un terrain d’entente sans tarder, faute de quoi nous manquerons certainement de montures pour les voyages sur de plus grosses distances.
Et pour ce qui est de la préfecture, je me fais fort de regagner ses faveurs via une enveloppe discrète bien dodue…



