adopte un trauma

80%

Si j’avais pu, j’aurais sûrement noté ce jeu 85 sur 100 à tel point son imperfection objective ne l’emporte que de très peu sur mon affection. Je sors et j’emporte ce jeux aussi souvent que possible. Je travaille au corps ceux qui ont le malheur de me proposer des entrevues sociales, qu’elles soient dévolues au ludisme ou non. Je propose ce jeu après la plupart des grosses parties bien éreintantes que j’entreprend, qu’il soit 23h ou 2h du matin. Ce jeu est un énorme coup de coeur.

Les poilus est un jeu dont le format et l’accessibilité ne sont même pas les principaux atouts. Les poilus repose sur une méchanique de jeu maligne et une ambiance/ un thème intelligent oscillant entre drôle et tendre.

Ça peut sembler déroutant à lire mais c’est vrai. Le thème est la principale raison pour laquelle le commun des mortels n’est pas tenté par les poilus. « C’est vachement déprimant ton truc ». Ça en a tout l’air et malheureusement il faut bien pitcher le concept avant de pouvoir regrouper les gens. Pourtant, dès les premiers instants dans la peau de notre combattant de fortune, un humour leger mais persistant se fait entrevoir.

Car il est rigolo de voir un coéquipier peiner à reproduire un discours sensé inspirer la confiance et la fierté en bafouillant et rougissant. Car il est drôle de voir un camarade tenter par tous les moyens de se réfréner lorsqu’un traumatisme de guerre lui impose le mutisme le plus complet. Car il est fun de jouer avec conviction les craintes de la neige ou une tendance à l’égoisme / au despotisme / à la lacheté, qui apparaissent et disparaissent tout au long de la partie. Tout ce qui s’applique à son personnage de carton peut s’appliquer à son joueur et peut ainsi rendre la partie extrêmement vivante. Ca marche bien sûr car nous sommes capable de dissocier les horreurs de la guerre dont on doit parler avec respect des mésaventures d’un personnage de jeu. J’en reviens donc à la reflexion du début: au premier abord, le thème fait peur.

Pourtant, le thème est très beau. Très beau car arrive ensuite la tendresse. La tendresse d’avoir (peut-être) survécu. La tendresse de regarder autour de soi et de voir Gaston Fayard, qui a dorénavant peur de la pluie et est un entêté de premier ordre. De voir son pote Lazare à la fois fragile, étourdi et tyrannique puis de se réjouir du bon état général de Gustave, relativement epargné par les phobies et seul des trois qui n’aura pas trop de mal à se réinserer. Gagner une partie bien jouée des poilus peut être très liberateur.

Je suis éreinté par mon apologie, je vais donc passer assez rapidement sur les mechanismes car de nombreuses reviews et vidéos explicatives s’attardent déjà dessus. Les poilus est un coop’ pas comme les autres. Il est leger mais ne doit pas être pris à la legère. Moi qui en avait marre du système de pandémie qu’on retrouve dorénavent partout, j’ai trouvé les trois phases de jeux terriblement raffraichissantes. Le chef de mission choisi le nombre de cartes piochées par chaque joueur. Il n’y a ni meilleur choix ni choix par défaut lors des tours de pose de carte. La redistribution du soutien crée des difficultés insoupçonnées. Chaque phase apporte son lot d’indécisions et le jeu en ressort un poil plus complexe à chaque fois.

On peut repprocher aux poilus de lasser au bout de trois parties. A l’inverse, ces trois parties vous les aurez enchainées avec un grand plaisir. Et vous n’aurez aucun mal à revenir dessus lors d’une autre soirée, lorsque l’ambiance s’y prêtera. Je vous le dit d’experience: je fais toujours trois parties, bien souvent à la demande des joueurs. La première sert d’explication et est souvent perdue. La seconde a pour but d’évacuer leur frustration et la troisième enchaine sur le niveau superieur de difficulté. Ensuite, nous passons à autre chose avec délice et de sacré bons souvenirs de jeu.

Un autre avis ?

Qualité du materiel : 4/5
Accessibilité des règles : 4/5
Mecanismes : 4/5
Durée de vie : 4/5
Thème : 5/5

Il y a de l'émotion dans ce jeu. Les coups durs sont trés thématique, et la froideur du dessin restitue bien cette ambiance glaciale que les poilus, ont du réellement vivre. On ressent de la souffrance, la guerre n'est pas présentée comme glorieuse mais comme cruelle, rarement un jeu m'aura fait réfléchir et ému.


S'il vous faut lire un avis sur les poilus lisez celui de Alecs qui est trés complet.