Après son bilan 2024, Super Meeple annonce développer la vente en ligne

Nous vous en parlions dans cet Edito, les jeux Experts soulèvent des problématiques particulières. Dans le cycle rapide de vie des sorties actuel, ils représentent une prise de risque renforcée considérant leur temps de développement plus long. Un éditeur comme Super Meeple, actif depuis 10 ans, représente un acteur fort de ce segment du secteur, porté par des locomotives puissantes soutenues par de beaux accueils critiques et publics – considérons par exemple Ark Nova ou La Famiglia.

C’est à l’occasion de la nouvelle année qu’ils postent un message sur leur page Facebook mais aussi du côté de leur distributeur Neoludis pour donner leur vision des choses pour 2025 tout en tirant les conclusions de l’année écoulée. Sur son post, Neoludis met en avant sa mission qui selon eux vise avant tout à optimiser la visibilité et l’accessibilité des jeux experts sur le marché.
L’entreprise souligne l’importance de comprendre les spécificités de ce segment, marqué par deux éléments clés : D’une part, les jeux experts connaissent des cycles de vente très courts, où les deux premiers mois sont vraiment cruciaux. Les boutiques, face à un soutien initial limité des joueurs, font preuve de prudence dans leurs commandes.
D’autre part, dans un contexte économique tendu, les détaillants doivent équilibrer espace de stockage, budget disponible et demande réelle, tout en faisant face à une offre de plus en plus abondante. La multiplicité des sorties et leur cadence infernale permettent peu la découverte et l’approfondissement de jeux plus longs et plus complexes.
Le jeu expert coûte souvent plus de 60€, et affiche un “14+” parfois intimidant. En face, les TCG cartonnent, même s’ils peuvent au final revenir bien plus cher… Il n’en reste pas moins que le succès d’un expert n’est jamais assuré : bien souvent, il doit convaincre avant tout les joueurs, qui iront ensuite convaincre leur ludicaire de le commander. Le ludicaire aura bien du mal à se lancer sans cela, d’autant que le jeu est souvent trouvable moins cher sur le web, voire se retrouve à prix franchement cassé quelque temps après la sortie.

Neoludis profite du communiqué pour faire le point sur les sorties marquantes de Super Meeple de l’année 2024 : “Les premiers retours de Pirates de Maracaibo, Endeavor : Eaux Profondes et Black Forest sont très prometteurs, avec des ruptures rapides des stocks initiaux. Certains jeux, comme Bardwood Grove, Planta Nubo et Kraftwagen, n’ont pas rencontré leur audience aussi rapidement. Ces résultats soulignent les enjeux autour de l’engagement des boutiques pour les jeux experts et la nécessité d’un accompagnement accru pour stimuler la demande auprès des joueurs finaux.”

Sur son compte Facebook, l’éditeur lui-même n’hésite pas à parler de “bilan mitigé” (…) “qui nous a amené à nous poser des questions”. In fine, les deux communiqués présentent la stratégie de l’éditeur pour l’année à venir, reposant sur deux axes : tout d’abord, “renforcer la vente directe via leur boutique en ligne, notamment par des campagnes de précommande pour sécuriser une partie des ventes avant la production.”

Super Meeple précise : “En proposant davantage de précommandes sur notre site, nous augmentons notre marge (jusqu’à 20 € par jeu vendu en direct). Les boutiques pourront précommander pendant une période d’engagement, définie par le distributeur. Au-delà, les jeux restants seront vendus via notre boutique ou des marketplaces. Cette période d’engagement sera proposée également lors des retirages”. Soulignons que ce changement sera effectif pour avril/mai prochain. 

Avec le financement participatif, le développement d’une boutique en ligne semble donc la solution privilégiée par les éditeurs de ce segment, sans non plus tourner complètement le dos aux boutiques en dur, même si cela représente malgré tout un geste concurrentiel assez fort. On a pu voir Matagot développer la sienne récemment avec IPA Game Shop, mais des maisons comme Luck Duck ou Iello ont leur boutique en ligne depuis longtemps (le SAV étant bien souvent géré directement par les éditeurs plutôt que via les boutiques).
Les campagnes de pré-commande permettent de valider un engagement préalable des acheteurs tout en permettant de communiquer sur un projet pour au final, minimiser les risques de l’éditeur, d’autant qu’ils peuvent avoir des conditions préférentielles plus attirantes pour le consommateur. Concernant la boutique de Super Meeple, les premières précommandes (environ les 300 exemplaires) devraient se trouver à un prix 10/15% inférieur du prix public conseillé, ou offrir des goodies, à l’instar d’une campagne GameOnTabletop.

Charles-Amir Perret, co-fondateur de Super Meeple, nous raconte : “Nous gagnons 7€ brut pour un jeu qui se vend 70€ en boutique. Quand les jeux se vendent bien, ça fait de toute façon une petite marge, mais on peut mieux s’en sortir avec un 2ème tirage par exemple. Maintenant il est plus difficile de vendre nos jeux car les boutiques n’en commandent plus trop. Donc on doit trouver une solution pour améliorer notre marge et rentabiliser mieux. Ça fait longtemps que je pense à ça, mais c’est l’effet que j’appelle « Kraftwagen » qui m’a définitivement décidé à faire qq chose ; à Vichy, ça a été, sur notre stand, la bonne surprise ! Plein de boutiques super emballées … Bilan, une implantation catastrophe.
Pourquoi ? Les boutiques n’ont pas commandé le jeu, sans doute parce que nous n’avons pas su convaincre de notre côté les joueurs ; donc les joueurs ne demandent pas aux boutiques le jeu, donc les boutiques ne commandent pas le jeu. A noter que je n’en veux absolument pas aux boutiques de préférer commander du Skyjo ou Dékal car ça se vend ! Elles font ça pour pouvoir vivre, je ne peux que comprendre.”

Notre ami Hugo, ludicaire lyonnais (boutique Trollune) réagit : “La démarche de Super Meeple continue une tendance qu’ont certains éditeurs depuis quelques années de chercher à établir une relation directe avec le consommateur final de leurs produits : les joueurs. Ils ont investi dans les réseaux sociaux, personnifient leur marque, développent le contact client (SAV, financements participatifs, présence salon…). Développer une plateforme de vente directe semble être une continuité de cette stratégie mais doit tout de même interroger sur la place qu’il restera au boutiques et lieux ludiques si ces démarches se généralisent”.

Quant aux jeux conçus en interne par l’éditeur, s’ils s’avèrent plus rentables (puisque le gain pour l’éditeur passe de 7€ à 14€ affirme Charles-Amir Perret) ils nécessitent un temps de développement plus long… donc plus coûteux. Charles-Amir nous précise : “C’est financièrement plus rentable en effet, mais ça demande beaucoup plus de temps. Nous n’avons pas les moyens ni la volonté d’ailleurs de sortir davantage de jeux ; nous avons un rythme d’environ 10/12 jeux par an (dont 2 en édition et 8/10 en localisation), nous avons un planning de développement bien chargé jusqu’à fin 2027, nous ne ferons pas plus que ce qui est prévu.”

 

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2 Commentaires

  1. Grovast il y a 6 heures
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    Je ne suis personne pour donner des leçons à Super Meeple, mais pas persuadé que squizzer les boutiques soit la bonne réponse à des échecs commerciaux.

    Tout le monde sait et dit que trop de jeux sortent depuis des années.
    Pourquoi dans ce cadre continuer à localiser tout ce qui passe, à diluer ses effort dans d’innombrables projets ?
    Pourquoi ne pas sortir moins de jeux, mais les travailler à fond et les pousser en comm ?
    S’ils sont exceptionnels tout le monde les voudra, et les boutiques les implanteront.

  2. Maxime il y a 4 heures
    Répondre

    Merci pour cet article et ce témoignage éclairant. C’est très préoccupant pour le jeu expert en général, et je dois dire assez décourageant en tant qu’auteur de proto expert… J’espère que Super Meeple va tenir. 

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