Aiguisez vos facultés avec Way of the Samuraï
Way of the Samuraï est un jeu solo lancé sur Kickstarter en décembre 2019 par Alone Editions, un petit éditeur français qui n’est autre que Ÿøssef Fårhi, l’auteur du jeu lui-même. Les illustrations ont été réalisées par Alexandra Zinn. L’année suivante, une extension nommée Blood and Bushido a vu le jour, toujours sur Kickstarter, et c’est d’ailleurs à ce moment là que je me suis procuré le jeu qui ne sortira vraisemblablement jamais en boutique.
J’avais suivi de loin la première campagne car les mécaniques m’avaient paru un peu trop aléatoires à l’époque, n’étant pas très friand de jeux où le hasard est trop présent et où le plus gros du déroulement de la partie va reposer essentiellement sur des lancés de dés ou autres tirages de cartes. Et visiblement je n’étais pas le seul à avoir cette crainte. Mais finalement, suite à cette première campagne, on a pu voir fleurir quelques vidéos de youtubers et autres retours plutôt positifs, indiquant notamment qu’il était possible de contrôler une partie de ce hasard moyennant un peu de pratique.
Ah…
C’est intriguant…
J’ai donc eu envie de voir de quoi il en retourne, et c’est pour cela que je me suis laissé tenter.
Droiture, respect et sincérité
Avant d’aller plus loin j’aimerais parler un petit peu de la deuxième campagne de financement à laquelle j’ai participé et notamment du fait que le jeu a été livré avec quelques semaines d’avance par rapport à la date prévue. 😯
- Oh ! Ça arrive vraiment ça sur Kickstarter ?
- Visiblement… et Alone-Editions l’a fait 🙂
Je tenais à le souligner car de mon point de vue cela en dit long sur le sérieux de l’éditeur qui a ainsi acquis toute ma confiance.
La voie du Samouraï réside dans la mort
Way of the Samuraï est un jeu de combats épiques où l’on incarne le « célèbre sabreur Miyamoto Musashi ». On va affronter des adversaires toujours plus coriaces et ce jusqu’à la mort. Chaque partie dure quelques dizaines de minutes, plus ou moins longtemps en fonction de l’ennemi choisi, de votre capacité à lui résister et accessoirement à le vaincre (il peut arriver de perdre en quelques minutes).
Le matériel est essentiellement composé de cartes qui sont de plutôt bonne qualité (après une petite vingtaine de parties je n’ai pas vu d’usure particulière). Et, pour ne rien gâcher, la boite est minuscule, ce que j’adore en ces temps où la tendance est plutôt à leur embonpoint grandissant avec toujours plus de matériel inutile et « deluxifié »… mais je digresse.
Un petit point négatif lié à cela cependant, et qu’il me semble quand même important de mentionner : le livret de règles est trop conséquent pour pouvoir tenir dans cette petite boite et n’est donc pas fourni au format papier avec le jeu, mais téléchargeable sur le site de l’éditeur au format PDF. Cela pourra sûrement en rebuter certains. Cependant, les règles sont suffisamment simples pour ne pas avoir besoin de les consulter une fois la première partie effectuée, donc ce n’est pas tellement problématique à mon sens.
Cela dit, je pense qu’une aide de jeu pour les armes et les ennemis aurait été très utile, car il n’est pas toujours évident de savoir précisément ce que sont les capacités en se basant uniquement sur l’iconographie (il faut donc à chaque fois aller voir dans le livret de règles qui n’est du coup jamais à portée de main). Dommage.
Un vrai Samouraï consacre tout son temps au perfectionnement de lui-même
Way of the Samuraï se joue en une succession de manches qui ne se terminera qu’à la mort d’un des deux combattants. Et oui les Samouraï ne font pas les choses à moitié. On commence chaque manche en remettant à zéro nos compteurs sur chaque jauge : force, technique et garde ; puis on pioche 6 cartes qui constitueront notre main pour cette manche.
Chaque manche se découpe en deux tours durant lesquels on ne jouera que trois cartes de notre main. Au bout des deux tours on aura donc joué nos six cartes et on pourra commencer une nouvelle manche.
Pour chacune de ces séries de trois cartes, on va piocher progressivement deux cartes du deck de l’adversaire :
- une première indiquant sa défense ainsi que les blessures que l’on pourra tenter de lui infliger ;
- puis, une seconde à la fin du tour pour voir s’il réussit à passer notre garde (et ainsi la gravité de la blessure qu’il nous inflige le cas échéant).
Jouer nos cartes va permettre principalement de faire monter ou descendre les jauges correspondantes, indiquées au bas de celles-ci. Mais on pourra également tenter de poser trois cartes comportant le même symbole, indiqué en haut à gauche, pour provoquer un « combo ». Les combos permettent par exemple d’améliorer son deck en débloquant des cartes plus puissantes, ou de recharger son « Ki » (j’y reviendrai).
Jusqu’ici vous me direz que tout repose donc sur le hasard, puisqu’on doit jouer les six cartes qu’on pioche en début de manche. De plus, les cartes de l’adversaire sont aussi piochées ce qui ne laisse pour seul choix que l’ordre dans lequel on va jouer ces cartes. C’est pas faux. En partie. Mais c’est là que le « Ki » entre en jeu !
Le « Ki » est une ressource qu’il vous faudra gérer le mieux possible. Il permet entre autre de piocher de nouvelles cartes pour avoir plus de choix durant la manche, ou de voir à l’avance la défense de l’adversaire – ce qui sera très utile pour choisir l’ordre dans lequel vous allez jouer vos cartes. Comme dit précédemment, certains combos vous permettront d’en regagner, mais c’est de toute façon une ressource qu’il faudra dépenser avec parcimonie.
Pour bien faire, il faut endurer la souffrance
Le jeu peut s’avérer extrêmement punitif puisque l’on peut mourir en quelques attaques, voire même en un coup si l’on tombe sur certaines mauvaises cartes.
En effet, lorsque l’on ne parvient pas à parer la contre-attaque de l’adversaire, il est possible si l’on est malchanceux, d’être exposé à des blessures graves (ou même fatales) que l’on va aller piocher dans un deck à part, le deck « Blessures ». Et suivant la gravité de la blessure subie, il y aura le risque de tomber sur l’unique carte du jeu provoquant immédiatement la fin de la partie par le tranchage de votre tête ! Et oui, un accident est si vite arrivé quand on joue avec des objets « redondants » (comprenne qui pourra 🙂 ).
Et vous me direz tout ceci juste sur un tirage de cartes ? Donc finalement uniquement sur un coup de malchance ?
Et bien, oui. Mais non.
Oui parce que c’est effectivement sur un tirage de carte que vous saurez si vous allez vivre ou mourir. Et non car en fin de compte vous n’aviez qu’à faire en sorte de ne jamais avoir à tirer cette carte… Tout simplement 🙂
Et c’est justement là que l’on trouve tout le sel du jeu. Je m’explique.
Si un homme hésite trop longtemps à prendre une décision, il s’endort
Tout l’intérêt de Way of the Samuraï se situe dans vos choix : privilégier telle ou telle jauge plutôt qu’un combo (et inversement), prendre le risque de baisser sa garde pour espérer percer celle de l’ennemi, piocher plus de cartes, recharger son Ki… Un de vos combos vous permettra même d’augmenter doucement mais surement votre précision pour tenter d’infliger une blessure fatale à votre ennemi (car vous aussi vous pourrez lui trancher la tête !) … Mais encore une fois, tout ceci dépendra de vos choix et de votre capacité à gérer votre Ki, vos cartes, et de trouver des moyens de temporiser pour attendre un éventuel meilleur tirage de cartes afin d’arriver à vos fins.
Il est vrai qu’au premier abord, on a vraiment l’impression de ne rien contrôler. Mes premières parties se sont soldées par des échecs cuisants, certes de moins en moins cuisants au fur et à mesure des tentatives, mais cuisants quand même :-). L’avantage avec des « petits » jeux comme celui-ci, c’est que l’on peut faire plusieurs parties à la suite, et personnellement, j’ai beaucoup de mal ici à m’arrêter sur une défaite. On se débattra tant bien que mal jusqu’à finir par accepter l’inévitable, mais on aura surtout très envie de recommencer 2, 3, 4, 5, 6 fois pour prendre notre revanche. Et on finira par se rendre compte que le hasard n’est en fait qu’un paramètre parmi tant d’autres à gérer durant nos tours. Ce qui nous mettra la puce à l’oreille c’est notamment lorsque l’on commencera à manquer de Ki, encore lui, car on se rend vite compte que ne plus avoir de Ki revient à s’en remettre complètement au hasard. Et c’est là que le bât commence à blesser, enfin quand ça n’est pas carrément notre tête qui se met à rouler.
Ainsi, le questionnement est en fin de compte « est-ce que je prends le risque ou non ? ». Personnellement, j’ai mis 3-4 parties pour commencer à bien réussir à doser ces risques et ne plus faire n’importe quoi, et c’est seulement après une petite dizaine de parties que j’ai réussi à gagner pour la première fois. Et je peux vous dire que lorsque l’on gagne dans ces conditions, on ressent un certain sentiment d’accomplissement qui met du baume au cœur ! 😀
Après cela, on pourra espérer vaincre les ennemis suivants bien plus « facilement » car on commencera réellement à maitriser les subtilités du jeu. À tel point qu’au bout d’un moment, subir des blessures graves deviendra extrêmement rare, d’où mon « non » de tout à l’heure. On pourrait d’ailleurs se dire qu’à force d’y jouer, il arrivera un moment où l’on cessera de perdre. Mais il s’avérera que ce n’est pas le cas car ce jeu semble posséder la dose de hasard suffisante pour que la tension soit toujours bien présente, et que les parties se jouent sur le fil la plupart du temps.
Pour ma part, je ne suis pas très téméraire, il m’arrive donc assez souvent de temporiser en montant ma garde à 3 sur la jauge (à ce niveau là il ne peut plus rien m’arriver d’affreux) ce qui m’oblige bien souvent à faire l’impasse quant à une quelconque tentative de blesser l’ennemi, mais je trouve que c’est un bon moyen pour attendre un meilleur tirage lors d’une prochaine manche et espérer trancher l’ennemi.
Un Samouraï doit être remarqué pour son excessive ténacité
Way of the Samuraï me semble offrir une bonne rejouabilité. Le jeu de base et son extension comportent de nombreux éléments et modules permettant d’en modifier plus ou moins les règles à chaque partie, les uns obligeant à adopter des stratégies différentes des autres.
Vous aurez par exemple accès à des armes variées. Chacune possède un bonus et un malus qui vont grandement influer sur les choix que vous ferez durant la partie. Par exemple, le « Kusarigama » vous incitera à jouer énormément avec la jauge de technique qui, montée au maximum permettra de désarmer l’adversaire et donc d’empêcher toute contre-attaque de sa part. Tandis que le « Naginata » permettra d’augmenter automatiquement votre garde avant la contre-attaque de l’adversaire, facilitant grandement votre défense.
Les combats pourront également prendre place dans différents lieux, desquels vous pourrez activer les effets en dépensant du Ki (et oui toujours lui) et en lançant un dé. J’ai trouvé pour le coup que ces lieux étaient trop fortement basés sur le hasard, puisqu’il n’y a absolument aucun moyen de mitiger ce lancé de dé. Mais étrangement, ils m’ont quand même aidé dans de nombreux cas lorsque j’ai choisi de les utiliser, donc pourquoi pas.
En outre, plusieurs modes de jeux sont proposés, comme par exemple un mode campagne où l’on va s’amuser à affronter plusieurs adversaires à la suite mais je n’ai pas encore tout testé. Il me reste donc de nombreuses facettes à explorer dans ce jeu même après une vingtaine de parties, et l’envie de continuer est toujours bel et bien présent, ce qui me paraît plutôt bon signe.
Enfin, l’auteur a prévu des moyens d’augmenter la difficulté, si jamais par je ne sais quel miracle vos parties devenaient trop faciles. Par exemple, grâce au climat : celui-ci rajoute des contraintes qui peuvent rendre les coûts en Ki plus élevés, ou vous feront perdre régulièrement du Ki ou des vies en fonction de certaines conditions. Il deviendra ainsi beaucoup plus difficile de temporiser comme j’ai eu l’habitude de la faire jusqu’ici… hum…
Il est vrai que la part de hasard sera plus ou moins grande en fonction de tous ces modules additionnels, mais libre à chacun de choisir ceux qui lui conviennent le mieux. Il y a de quoi faire.
La véritable voie du Samouraï est cachée sous les feuilles
Après une première impression mitigée quant à la place accordée au hasard, j’ai découvert au fur et à mesure de mes parties un jeu très subtil, offrant une expérience ludique tendue et intéressante grâce aux nombreux choix qui s’offrent à nous. Le matériel est parfait pour ce type de jeu, une petite boite que l’on pourra emmener partout et sortir à notre guise au moindre temps mort.
De plus, Way of the Samuraï offre une bonne rejouabilité notamment grâce aux nombreuses variantes et modules qui sont proposés et qui permettent tantôt de renouveler l’expérience, tantôt d’en modifier la difficulté.
Pour ne rien gâcher, j’ai pu constater le sérieux de l’éditeur Alone Editions en participant à l’une de ses campagnes Kickstarter. Il a livré un jeu bien réalisé (aussi bien au niveau du matériel que du gameplay) et en avance sur ses estimations. Il mérite donc à mon sens que l’on s’attarde sur ses (prochains) jeux. Ce qui m’amène d’ailleurs à parler très rapidement de The Road, le nouveau titre de Ÿøssef Fårhi, qui est actuellement en cours de financement sur Kickstarter jusqu’au 06 février 2021 et qui semble tout aussi bon que Way of the Samuraï dans un autre registre : la survie dans un monde post-apocalyptique. Une nouvelle occasion de découvrir son travail. Personnellement j’ai très hâte de l’essayer ! 🙂
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :
Gougou69 02/02/2021
Excellent article qui met parfaitement en perspective tous les aspects de ce jeu. Félicitations !
A savoir que, outre un thème différent, The Road se veut également moins punitif que WotS. Et le succès de la campagne a incité l’auteur a développer son jeu au-delà de ce qui était prévu initialement, et ce avec l’appui enthousiaste de la petite fan base qu’il s’est créé. Personnellement je suis impatient de tester tout ça.
znokiss 03/02/2021
Excellent article, qui décrit pas mal mon ressenti, notamment sur l’aspect rude et aléatoire des débuts, puis comprendre comment exploiter le ki…
Bien joué, bravo !