Abella l’abeille, et l’intérêt des coopératifs pour les tous-petits
Angie est orthopédagogue depuis 2012 et travaille dans ce domaine avec les petits depuis 10 ans, elle est aussi la maman de deux enfants. Elle contribue à Ludovox régulièrement (vous avez par exemple pu lire Pourquoi faut-il jouer toute l’année en classe) et aujourd’hui elle s’intéresse au cas des jeux coopératifs avec les tout-petits, en prenant Abeilla l’abeille (Haba) comme exemple.
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N’en finissant pas d’attendre mon petit elfe numéro 2, j’ai la joie d’aller chercher les boîboîtes Haba pour mon numéro 1 (que nous appellerons Mr X. dans la suite, pour ne pas compromettre ses missions sur le terrain). Et oui, les 2 ans arrivent à grand pas, tout un univers s’ouvre à moi… Euh à lui… Et comme toute maman joueuse qui se respecte, j’avais d’abord pensé au Petit Verger. Mais là, qu’ouïs-je ? Un nouveau jeu coopératif pour enfant, avec une petite abeille ? Ooh, mais qu’est-ce donc ? Quels sont les prérequis ?
- Connaître ses couleurs ? Check.
- Apprendre à jouer chacun son tour ? Pas trop check, mais on y arrive.
- Lancer un dé ? Pas check encore. Qu’à cela ne tienne, ouvrons la boîte avec mon petit poussin et advienne que pourra.
Principe du jeu
Vous avez des cartes fleurs de différentes couleurs. Il faut lancer le dé, soit on tombe sur une face couleur de fleur, soit sur une face fleur fanée.
Si vous avez une couleur, l’enfant nomme la couleur et retrouve la fleur. Il emmène Abella sur la fleur, puis va jusqu’à la ruche (photo ci-contre).
Un système, assez malin, permet à l’enfant de glisser la fleur dans la ruche et de la voir ressortir sur son autre face, qui représente du miel.
L’enfant va alors ranger le miel dans le pot, tout du moins, sur un plateau qui le représente. Quand le pot est plein, la partie est gagnée.
Pour complexifier le jeu, on peut retourner les cartes fleurs, et l’enfant va alors chercher les bonnes couleurs. Il faudra ainsi qu’il se souvienne où est chaque couleur. Si le dé indique une fleur fanée, on pioche une carte au hasard, qu’on retire du jeu.
1ère étape : découverte du matériel
Le matériel : simple mais évocateur, et extrêmement bien pensé. Une petite abeille en bois, des cartes fleurs, un dé, et une machine à fabriquer du miel avec la boîte… « é fait bzzzzzz l’abeille » (difficile de vous montrer les petits gestes mais imaginez) !
Le dé, l’abeille, Mr X. a tout de suite accroché. Le fait que l’on ait une petite abeille à faire voler, qui se prend bien en main, qui est jolie, ça donne envie (oui, même moi j’avais envie de la faire voler, c’est pour dire).
Ensuite, on regarde les cartes fleurs. Mr X. est un peu petit, mais il a bien compris que l’abeille allait « manger la fleur » pour ensuite l’emmener dans la ruche afin de fabriquer du miel. La boîte se transforme donc en ruche, dans laquelle on fait glisser la fleur qui ressort côté miel. Magiiie !
Dans la phase découverte, il a changé les fleurs en miel, et il a aussi changé le miel en fleur, mais ça va venir hein ! Le principal étant : FAIS TOI PLAISIR !!!
2ème étape : apprentissage du déroulement du jeu
L’avantage, c’est que l’on commence sur du coopératif (et comment imaginer autre chose à 2 ans ?). Il y a bien entendu la notion du « chacun son tour » à intégrer. Quand il a découvert la frénésie du lancer de dé, c’était compliqué de l’arrêter. Ce n’est pas le fils de son père pour rien, grand fan de Quarriors (mais je m’égare) ! Heureusement, laisser jouer maman, ça va, ce n’est pas trop dur. 🙂
Comme il connait bien ses couleurs, il repère assez facilement quelle fleur doit être changée en miel. Pour des enfants qui ne connaîtraient pas les couleurs, ça peut être un bon moyen d’entrer doucement en contact avec. Et puis, il peut très bien ne pas savoir les nommer mais repérer ce qu’il y a de commun entre le point du dé d’une part, et la couleur de la fleur de l’autre.
L’appréhension du jeu se fait très naturellement si on prend le temps de jouer librement avec le matériel dans un premier temps (surtout à à peine 2 ans). Si l’enfant a 1 an de plus, et qu’il a l’habitude de jouer à des jeux de société, la prise en main va être facile. La manipulation, simple et efficace, va vraiment lui permettre de passer un bon moment, tout en étant assez riche en enseignements.
Jeu de société et développement de l’enfant
Il y a peu de jeux de société pour les tout-petits. Il y a évidemment une abondance de Loto, de jeu de construction, de Memory, etc., mais assez peu de jeux coopératifs, qui impliquent un peu de « stratégie », si vous voyez ce que je veux dire. Cela permet de développer un certains nombres de choses chez l’enfant.
Petite parenthèse : aujourd’hui, nous connaissons la part importante de l’acquis dans le développement du cerveau (ce qui n’empêche pas une part d’innée bien sûr). Revenons sur la part d’acquis. Cela concerne les différentes sortes de communication et les actions précoces avec l’environnement. Autrement dit, l’éducation a un rôle important dans le développement de l’enfant, et les différentes activités vont avoir un rôle déterminant. Je ne dis pas de mettre au placard les jeux de constructions et les Lotos divers et variés, bien évidemment ! Je dis qu’Haba nous donne la possibilité d’étendre les stimulations proposées. Et tout cela pour le bonheur des petits et des grands (parce que le Colorino, ça va bien un moment, mais là, on a besoin d’autre chose – même si je reconnais la qualité du Colorino par ailleurs, nous sommes bien d’accord).
Concrètement, qu’est-ce que l’on peut stimuler avec un jeu comme Abella l’abeille ?
Sur un plan cognitif et plus particulièrement sur le développement du langage et de la pensée
Par exemple, nous lui avons fait goûter du miel. On a repris les livres de Winnie l’ourson qui mange du miel. On a fait le lien entre le pot de miel et le dessin du pot. Je peux vous dire que du haut de ses 23 mois, le lien a été vite fait. Quand il rentre de la crèche, il nous montre la boîte de jeu, il fait le bruit de l’abeille, et nous dit « é bon le miel ». Bref, ne sous-estimons pas nos petits gnomes et apportons de l’eau à leur moulin afin que les mots deviennent des phrases. À partir d’un jeu, c’est tellement plus fun.
Et pour les plus grands, toujours dans le développement de la pensée, on peut aller nettement plus loin, car sous ses airs, cette Abella offre une portée éducative intéressante. Piaget appelle ce stade « l’installation de la pensée symbolique » : autrement dit, l’enfant peut se représenter un objet, une action sans que celui-ci soit présent. Personnellement, mais ça n’engage que moi, je pense que la phase de présentation de l’objet – et tout ce qui va être fait en utilisant les 5 sens si possible – va être capital. Cela va lui permettre de se construire des images mentales qu’il va pouvoir penser.
La dynamique de ce jeu va permettre cela, et je trouve que c’est drôlement intéressant. Bon, je vous rassure, mon fils n’est pas dans un laboratoire permanent, on fait aussi tout plein de choses sans se poser de questions. 🙂
Apprentissage de la communication
Et oui, 2 ans, nos enfants s’affirment. On connait tous les « Nooooon ! » et même le « NON qui en fait veut dire OUI ! ». Bref, il nous faut être patient.
Autour d’un jeu auquel on joue ensemble, on peut changer de paradigme et sortir un peu de ce schéma. C’est un « jeu » de patience, mais le coopératif se prête bien à cela. Bien sûr, cela est valable pour n’importe quel jeu coopératif, qui va nous permettre d’appréhender la notion de partage, de « chacun son tour ».
2 ans, c’est aussi l’âge où il affirme son autonomie. « Moi fais tout seul », mais quand même, il ne faut pas que papa et maman ne soit trop loin. En d’autres termes, usez et abusez des coopératifs avec vos enfants. Ne vous posez pas de questions, on fait tous des choses de manière très naturelles sans se rendre compte de l’importance que cela a !
Sur le plan affectif
Le tout petit a un grand besoin de nourrir sa confiance en lui, ce qui sera bénéfique pour les années à venir. Concrètement, ludiquement, on le fait beaucoup plus facilement sur un jeu coopératif. Un certain nombre de phrases vont être prononcées : « tu peux le faire », « ce n’est pas grave », « on recommence », « on peut se trompe », « ahhh maman aussi elle se trompe » « heureusement que tu étais là ! », « Tu es un champion », etc. Tout ce que l’on va pouvoir dire autour d’un jeu comme ça, les encouragements, vont être essentiels. Ce qu’il y a de magique chez un enfant, c’est qu’il peut inlassablement recommencer. Alors surtout : recommencez !
Nous avons aujourd’hui trop d’enfants qui n’ont plus de motivation, qui n’ont pas le goût de l’effort, puisqu’on est plutôt dans le tout tout de suite. Là, on peut inscrire dans leur mémoire la force du triptyque « essai -> erreur -> réajustement ». L’échec n’est pas inexorable. Bon vous me direz, on lance juste un dé ! Certes, mais il y a aussi toute la notion apprentissage des couleurs, l’aspect memory, et toute la manipulation qui peut demander un certain temps. Les causes de démotivation chez les plus grands peuvent souvent être liées à un manque de confiance ou un manque d’intérêt. Je ne dis pas que jouer à des jeux coopératifs va tout résoudre, on est bien d’accord ! Mais si j’osais, je dirais qu’on va tout de même inscrire un certain nombre de choses importantes, et de façon positive.
Conclusion
Bien sûr, tout est discutable et peut être discuté. Mais une chose est sûre et certaine, c’est qu’en intégrant ce type de jeux dans votre ludothèque, en vous faisant plaisir avec votre enfant, en laissant votre imagination déborder avec lui, et en partageant un moment détente et jeu, vous lui apportez beaucoup.
Dans le genre des jeux coopératifs pour tout-petits, on connaît depuis un certain nombre d’années l’indétrônable Petit verger. Abella l’abeille va vraiment permettre à mon sens de renouveler la ludothèque enfantine (sans pour autant mettre au placard le Petit verger !). Les règles peuvent se complexifier en intégrant une sorte de memory, ce qui permet de varier les plaisirs, et de pouvoir profiter de la boîte un peu plus longtemps. À la maison, c’est un coup de cœur pour les petits comme pour les grands.
Abella l’abeille : fiche de jeu
Un jeu de Tim Rogasch
Illustré par Frau Annika
Edité par Haba
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 2 ans
Durée moyenne d’une partie : 10 minutes
Thèmes : Animaux, Nature
Complexité du jeu : Enfant
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fouilloux 28/09/2016
Chouette, plus que 22 mois à attendre pour jouer avec polichinelle!
Angie 28/09/2016
Ahhhhh ça me fait penser à moi il y a 22 mois lol
Alin 28/09/2016
Merci pour ce Just played Angie ! D’ailleurs, j’espère que Ludovox fera plus souvent des articles sur les jeux pour enfants, je suis preneur 🙂