1923 : Cotton club – Fly me to the moon, Let me play among the stars
Et oui, « Fly me to the moon » pour titre, c’était l’évidence, cette chanson de Bart Howard a été reprise par les plus grandes personnalités du jazz comme Duke Hellington et Count Basie, qui sont des personnages de 1923 : Cotton Club. Le Cotton club était un bar de Harlem, ouvert en 1923, en pleine période de prohibition aux Etats-Unis. L’idée de son acquéreur était surtout de pouvoir écouler de l’alcool (prohibé, donc de contrebande), mais il a gagné en notoriété, passant de tripot à gangsters vers un lieu réputé de la culture jazz, réunissant les plus grands artistes tels que Louis Armstrong et Bill Calloway…
Et vous, que ferez-vous de votre bar ? Un infâme repère à bandits ou un haut lieu musical ?
1923 : Cotton Club, un jeu de l’espagnol Pau Carles, édité par Looping Games, rejoint la grande famille des jeux de pose d’ouvriers à la Agricola. En résumé, on a des Meeples, et on va les placer sur des emplacements en mode « premier arrivé, premier servi ! ». Et à la fin, on compte les points de victoire. Classique ? Assurément !
Mais avec quelques accords musicaux qui lui donnent toute sa saveur…
L’objectif de 1923 : Cotton Club va être, durant six manches de jeu, de promouvoir votre bar à jazz newyorkais dans les années 1920. Vous vous approvisionner en alcool et engager les musiciens qui sont les étoiles montantes de cette nouvelle musique underground des noirs américains, pour devenir le lieu dont toute la haute société parle.
Mais en cette période d’après-guerre, la prohibition est en place, c’est-à-dire l’interdiction par amendement gouvernemental de la fabrication, de la vente et de l’import/export des boissons alcoolisées. Tout cela pour des histoires de mœurs, mais qui provoquera in fine un surplus de criminalité, à cause de la gestion clandestine d’alambic interdits.
C’est dans ce contexte que le Cotton Club fut l’un des berceaux du jazz.
Pour arriver à faire prospérer votre Cotton Club, cinq types d’action seront accessibles qui vous permettront d’acquérir des cartes et ainsi d’améliorer votre bar. Quatre emplacements seront disponibles par type d’actions, mais se placer en premier permettra, outre d’être le premier à choisir sa carte, de bénéficier d’un petit bonus. Vous pourrez ainsi :
- Recruter une figure de la pègre locale qui augmentera votre niveau de lieu malfamé, mais pourra vous permettre d’avoir plus d’alcool (pas forcément meilleur !).
- Investir dans les spiritueux de l’époque : Bière frelatée, Whisky coupé au pétrole, vins « français » (à prononcer avec l’accent local).
- Recruter des artistes célèbres de ce début de siècle, à l’origine de la culture jazz. En plus d’augmenter votre notoriété (« Hey, y a Louis Armstrong qui joue au « Cotton », faut y aller ! »), leurs talents permettront d’attirer des personnalités influentes de la ville.
- Obtenir des améliorations qui joueront sur les pistes de progression du jeu.
- Et attirer la haute bourgeoisie (politiciens, journalistes, réalisateurs…) de la cité grâce à vos artistes, boissons et notoriété.
Toutes ces cartes vont permettre d’avancer sur un certain nombre de pistes de progression :
- L’initiative pour déterminer l’ordre de tour de chaque manche.
- La notoriété pour que tout le monde parle de votre bar !
- La criminalité, avoir des malfrats à table, ça donne aussi une réputation.
Pour acheter ces cartes vous disposerez d’un pécule initial qui sera renfloué chaque fin de manche en fonction de symboles billets présents sur les cartes acquises. Car il y a de nombreux symboles sur les cartes : des symboles boissons (vin, bières, …), artistes (saxophone pour un musicien, micro pour une chanteuse, soulier pour un danseur) et pistolet pour les malfrats.
Tout au long de la partie, vous allez obtenir de plus en plus de symboles qui ont des utilités différentes. Les armes permettront d’acquérir des boissons rentables, mais aussi de se protéger contre des effets de cartes évènement.
Les symboles boissons et artistes vont permettre d’obtenir des réductions sur la notoriété requise pour attirer une personnalité.
C’est un des twists du jeu : Les personnalités ne se recrutent pas avec des dollars (tout ne s’achète pas dans ce bas monde !) mais viendront si vous dépensez des points de notoriété suffisants, qui pourront être réduits si vous avez les symboles boissons/artistes qu’ils désirent (c’est là qu’on s’aperçoit que James Farley, PDG de Coca Cola, est un grand amateur de Whisky).
Mais pourquoi faire venir les personnalités chez vous ? Parce que ce sont eux qui vous amènent le plus de points de victoire, pardi !
Un autre twist intéressant sur ce jeu est la possibilité pour chaque joueur de jouer des cartes évènement.
En début de manche, vous pourrez en jouer une, face cachée, pour une révélation après la phase d’actions. Elles permettront généralement de gagner des bonus ou de pénaliser vos adversaires, en fonction des symboles présents sur les cartes acquises de chaque joueur. C’est aussi une incitation à orienter votre stratégie pour maximiser l’usage de l’évènement. Par exemple, si ma carte me donne un revenu financier en fonction des bières présentes dans mon bar, je vais tenter de récupérer un maximum de cartes bière avant de la jouer. À noter qu’une action est possible pour aller consulter les cartes évènements de la manche en cours.
Comment on devient « The place to be » de New York ?
C’est bien beau d’avoir le bar le plus réputé de Harlem… Mais comment on évalue si on a le meilleur ?
Le premier moteur à prestige est bien entendu les célébrités qui sont venues dans votre établissement. Elles sont les plus gros fournisseurs de points. Certaines cartes boissons, malfrats ou améliorations pourront aussi vous donner quelques petits points. Les cartes évènements, bien jouées permettront, de même, de progresser.
Enfin, finir en tête sur les pistes de notoriété et d’initiative rapporteront les derniers points qui peuvent faire la différence. Mais gare, la piste criminalité vous pénalisera de 5 précieux sésames si vous êtes en tête… Attention donc de ne pas devenir un lieu trop malfamé, ou faites quelques pots-de-vin via certaines cartes pour baisser ce niveau. Aussi, certains politiciens véreux pourront vous aider à baisser votre niveau de criminalité moyennant finances en fin de partie. L’argent n’a pas d’odeur.
What a wonderful game
1923 : Cotton Club fait partie de la série des 19xx de l’éditeur espagnol Looping Game, gamme de petites boîtes traitant d’évènement historique particulier du 20ème siècle (rappelez-vous, 1942 – USS Yorktown), avec chaque fois des mécaniques différentes. Les jeux de cette série ne m’ont jamais déçu, et 1923 : Cotton Club ne fait pas exception à la règle.
La première accroche sur un jeu est souvent visuelle, et les illustrations, de Pedro Soto, mettent tout de suite dans l’ambiance avec des croquis parfaitement réussis des personnages de l’histoire du jazz et de la criminalité américaine.
Sans dire que des bars se construisent sous nos yeux au cours de la partie, manipuler ses personnalités joue un grand rôle dans l’immersion. Recruter Al Capone « Scarface » (qui a ouvert son propre Cotton Club à Chicago), c’est stylé, quand même ! Le manuel de jeu contient d’ailleurs une courte bibliographie de l’ensemble des personnages apparaissant sur les cartes, malfrats ou artistes. On apprécie.
Les mécaniques du jeu ne réinventent pas la poudre. Sans mode solo, la meilleure configuration sera 3 ou 4 personnes. Les joueurs et les joueuses vont tenter de prendre les meilleures places le plus vite possible pour avoir les cartes convoitées. Ainsi, avoir l’initiative est un atout indéniable. Néanmoins, tout s’imbrique harmonieusement avec juste ce qu’il faut de tension autour de la table : les collections de symboles augmentant notre capacité à attirer les célébrités au moindre coût, la course sur les différentes pistes de progression, les cartes évènements à jouer au bon moment.
Cela donne au final un jeu très fluide. L’interaction est globalement indirecte, comme dans nombreux jeux de pose d’ouvriers, mais cela sied bien à 1923 : Cotton Club. On devra tout de même être vigilant sur le jeu des adversaires pour ne pas se faire surprendre, particulièrement sur la piste de criminalité qui peut être bien punitive dans le décompte final.
J’apprécie aussi le minimalisme de la boîte. N’ayant rien à envier à des jeux similaires tenant dans des boîtes bien plus volumineuses (oui, je parle de vous, boîtes pleines de vide avec un pauvre insert en carton dedans !), Looping Game montre une fois de plus son savoir-faire pour optimiser son matériel.
1923 : Cotton Club a pour moi une saveur de malt à déguster avec en fond sonore « What a wonderful world » de Louis Armstrong. J’aime ce genre de jeux où le thème est présent et sert une mécanique souple et efficace. Il s’adresse plutôt à un public habitué au genre, même si le niveau de complexité n’est pas très élevé. Plusieurs stratégies sont possibles, mais il faut reconnaitre qu’il n’y a pas un renouvellement débordant sur plusieurs parties. Cela dit, j’en ai déjà enchainé une petite dizaine et je prends toujours autant de plaisir à développer mon Cotton Club !
Pour finir sur une note historique, le bar Cotton Club a bien ouvert en 1923 mais les personnes noires y étaient interdites, bien qu’elles représentaient la large majorité des artistes jazz de l’époque. Ce n’est qu’en 1935, en raison de la pression sociale, qu’il leur ouvrit ses portes … pour fermer définitivement en 1940, en raison des taxes gouvernementales sur les nightclubs.
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ochsenbein 11/01/2022
D’un côté cela donne envie pour son thème et ses mérites vantés dans l’article et de l’autre c’est pas non plus révolutionnaire :(. Argh acheter ou ne pas acheter, telle est la question 🙂
dortmunder 12/01/2022
Ce jeu me fait de l’oeil. Malheureusement il a l’air introuvable sur le net☹️