Les mécanismes, modernes et en vogue, proposent aux joueurs de choisir l'action dont ils ont besoin à l'instant T, éliminant beaucoup de frustration et permettant un écoulement de ressources constant. Servis par une DA et une ergonomie efficaces, ils échouent pourtant à donner au joueur la sensation vertigineuse de la terraformation, les plans sur le long terme, la rudesse et la contrainte d'un monde hostile : ce que le jeu a gagné en accessibilité, il l'a sans doute perdu en ambition. Pour autant, si je devais présenter ce genre à des joueurs, je commencerais par leur faire aborder le sujet par Expédition Arès, pour ensuite se jeter dans un bain plus vaste... La combinatoire des cartes, plaisante, parvient à susciter curiosité et intérêt, et on se prend à creuser l'immense pioche pour réaliser des synergies, adaptant sa stratégie à des besoins opportunistes. Lorsque la fin de la partie arrive, les joueurs ont le sentiment que le moteur rugit, impatient de générer des tombereaux de ressources : l'accélération est palpable et grisante, mais la partie dure pour autant sans doute un peu trop pour que ce soit tout à fait agréable. Coincé dans l'entre-deux entre un jeu initié et un jeu plus expert, Expédition Arès tente sûrement de marcher sur les plates-bandes de Wingspan, sans avoir son charme léger.

Je dois m'admettre à la fois intrigué et modérément déçu par Expédition Arès : quelque part, il remplace Terraforming Mars dans mon esprit, car plus accessible, plus moderne dans les graphismes et dans les mécanismes, tout en restant un jeu trapu et engageant. Pour autant, malgré son game design plus que compétent, en essayant de marcher dans les traces de son aîné, il échoue à capter la substantifique moelle qui permettait aux joueurs de passer les défauts du jeu. À force de se concentrer sur l'instant, sur les micro-choix et la stimulation constante des joueurs, Expédition Arès oublie sûrement de lever le nez – comme les joueurs peuvent oublier de lever le nez de leur tableau – sur la dynamique de partie globale.