Monarch, du simulateur de princesses

Dans le genre jeux repérés outre-Atlantique, il y avait Monarch. Ici, on ne parle pas d’une usine à gaz à moult figurines et dés mais d’un jeu de gestion léger à l’atmosphère énigmatique.

La reine mère aimerait passer le pouvoir à l’une de ses filles – que l’on incarne. En conséquence de quoi, chaque fille va se construire une cour, la plus belle et la prestigieuse possible. Mais vous voulez quoi ? Des animaux exotiques comme ces singes montés sur autruches, ce dragon fée ? Pensez-vous qu’une boule de cristal, une mappemonde et un stratège vous apporteront la cour la plus digne ? Ou qu’une collection d’armes fera de vous la plus redoutable ? Vous avez, dans tous les cas, raison. Car la reine choisira la fille à la plus belle cour, et ceci ne dépend que de son harmonie. (Bon, en fait, tout ça pour vous dire qu’on fera de la collection de familles.

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Une mise en place super-simple.

 

Apparat et décorum

Le matériel de Monarch frappe par une chose : sa direction artistique et ses illustrations. Tous faits main avec une technique de peinture traditionnelle, les dessins ont cette patte à la fois classique et crépusculaire, presque énigmatique. Au-delà de l’aspect (qui ne plaira pas à tous. Personnellement, j’ai plutôt tendance à saluer ce genre d’initiative), l’ergonomie est un petit peu défaillante : les chiffres sont trop petits et peu lisibles, et l’iconographie (des bêtes et des vêtements) manque de clarté. Dommage, car vraiment, l’univers graphique est beau et possède un caractère bien trempé.

Point import : même si la formulation des cartes est étrange car légèrement surannée, le jeu est jouable dès que l’on comprend un peu l’anglais. Par contre, il faut vraiment qu’il n’y ait pas de joueur handicapé par la langue, ou alors la partie sera mise un peu à mal par beaucoup de lecture et d’explication. Le texte est cependant très accessible.

 

Le simulateur de princesses

Le comté de Minervia se situe dans une France fictive (vous aurez peut-être reconnu Menerbes). Et ce comté est représenté par différentes tuiles : des villages et des vergers, au nombre de neuf en tout. Certaines parties mettront l’accent sur les villages, d’autres sur les vergers, changeant un petit peu la façon dont on interagira avec le jeu. Car oui, ces terres produiront pour nous autres sœurs la substantifique moelle de notre moteur économique : des sous pour les villages, et de la nourriture pour les vergers.

Pour devenir la sista avec le plus de street cred de la cour, il faudra donc acheter des cartes qui se situent dans une rivière. L’interaction entre ces cartes sera très importante et il vaudra mieux acquérir plusieurs cartes de la même famille plutôt qu’une seule. Le tout donne des points de victoire de façon plate ou exponentielle. C’est selon. (inside joke !)

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L’aide de jeu qui explique comment jouer et gagner. Parfait.

 

A notre tour, nous aurons autant d’achats que nous le souhaitons, mais une seule action d’économie : récolter ou taxer. Si nous récoltons, nous gagnons un point de nourriture pour chaque verger. Si nous taxons, nous gagnons 1 or par village, mais, avant de taxer, il faut nourrir sa populace ! Ainsi, on ne pourra effectuer la taxation qu’après avoir nourri chaque village avec 1 nourriture.

On peut également payer des pièces pour renouveler la rivière de cartes. Facile, et pratique lorsque la chance n’est pas de votre côté. Mais ce n’est absolument pas gratuit.

La partie s’arrête lorsqu’une sœur acquiert son septième objet de cour. Une fois que c’est fait, on finit le tour de jeu (pas de table) et on compte les points !

 

Les petites surprises

Ça, c’est la théorie ; il y a de petites surprises avec Monarch. Tout d’abord, les bannières. Au nombre de 5 et déployées au début du jeu, elles permettent de valoriser encore plus notre cour et de nous donner un effet en jeu non négligeable. Lorsque nous avons acquis deux cartes de la même couleur (famille), nous pouvons prendre la bannière de cette couleur si elle est encore éligible. Cela nous donne un peu plus de score en fin de partie, et le pouvoir octroyé fait varier un peu la façon dont on joue. C’est plutôt une bonne nouvelle pour Monarch, car les familles de cartes se ressemblent beaucoup. (Cependant, le pouvoir de Culture, dont je reparlerai dans un moment, est un peu déséquilibré par rapport aux autres.)

Autre bonne idée, certaines cartes sont là pour pourrir nos adversaires : on leur envoie des hôtes indésirables. Pas tout à fait sympa de se refiler l’oncle relou ou l’émissaire fouineur et inutile. Ils déprécient la cour de nos sœurs, mais pas trop non plus. La bannière de la culture permet de gagner des points de victoire en envoyant ces hôtes chez les adversaires… gratuitement. Un peu trop forte, hein. Et au final, ce n’est qu’un outil d’arbitrage pour taper sur le leader ; un peu dommage.

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L’auteur, Mary Flanagan, en marquise pénible, et autres guest stars.

 

Parfois, des lunes apparaîtront dans la rivière. Ces lunes feront varier nos ressources, et, parfois, nous donneront des décisions à prendre collectivement. Doit-on dépenser des ressources pour sauver les cartes d’une sœur ? Faire un sacrifice collectif pour gagner plein d’or ? Si ça semblait être une bonne idée au départ, les lunes peuvent s’enchaîner, surtout si l’on nettoie le marché. Et du coup, gérer 2 ou 3 événements dans le même tour, c’est lourd et peu fluide. On perd l’élan du jeu, et ça c’est bien dommage. Là encore, elles peuvent niveler le jeu par le haut comme par le bas : si elles peuvent aider les joueurs défavorisés comme bons, elles peuvent aussi les enterrer. Du coup, ça me convainc moyennement de leur utilité.

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Quatre des huit coupables.

 

La vraie bonne surprise du jeu, ce sont les terres modulables sur lesquelles tous les joueurs évoluent. On va améliorer ces terres et rendre les vergers plus balaises. Et une petite surcouche stratégico-thématique va s’en mêler, pour notre plus grand plaisir. Les améliorations peuvent porter une couleur et s’ajouter au scoring final normal. Cela rajoute une interaction agréable et non négligeable, tout en accélérant la partie. On sent petit à petit que les terres familiales prennent du jalon grâce à la compétition des sœurs. Ça, c’est positif !

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On a commencé à améliorer quelques terres. Ça a plus de gueule.

 

Queenmaking

Du coup, en fin de partie, on sort avec des sentiments mitigés. D’un côté, le jeu est très accessible, fluide à l’extrême, agréable, et le plateau modulaire central est une très bonne idée, tout comme les bannières. Et le matériel, agréable à manipuler, est de toute beauté.

D’un autre côté, le jeu accumule pas mal de petits écueils : ergonomie pas au top, petits déséquilibres, lunes qui s’enchaînent pour notre déplaisir. Mais ces défauts seraient facilement oubliés s’il n’y avait pas un gros pavé dans notre mare : les cartes se ressemblent beaucoup, beaucoup trop. Les familles, les façons de marquer des points sont des collections, toutes semblables ou presque : guerre, culture et sagesse sont quasiment interchangeables et seule l’abondance s’en sort (car ses cartes sont payables en or et en nourriture). Ainsi, on a un peu l’impression de jouer à un jeu de collection de famille sur fond féministe, et pas à un jeu de développement.

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Peu de relief dans certaines cartes : mêmes effets pour les mêmes coûts…

 

Enfin, le jeu se joue de trois à quatre joueurs – il existe bien une version 2 joueurs officielle sur BGG, mais elle déséquilibre totalement le jeu. Parlons féminisme, d’ailleurs : le thème se veut fort dans l’intention, mais ne va pas très loin. Au final, c’en est presque décevant, car on aurait pu construire sa civilisation ou gérer son exploitation agricole de la même façon. Mais le fait qu’on ne s’appesantisse pas sur cet aspect du thème est aussi gage de discrétion. On n’est pas là pour faire valoir ses convictions, mais pour jouer. Du coup, ce n’est pas si mal.

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Certaines cartes ne synergisent pas, mais sont meilleures seules. Et des singes sur des autruches. Tant de génialitude <3

 

Je ne vous le cache pas, Monarch m’a semblé un peu décevant, malgré de très bonnes idées (les bannières, le plateau de jeu modulable et partagé, la fluidité globale qui se dégage des mécanismes). Ce jeu et ses intentions sont très prometteurs mais l’ensemble n’a pas une saveur inoubliable, comme un superbe gâteau qui est au final plus intéressant pour son visuel que pour son goût.

 

Monarch

Un jeu de Mary Flanagan, Max Seidman, Zara Downs
Illustré par Kate Adams , Sarah Ettinger
Edité par Mary Flanagan LLC
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 09-2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 30 et 50 minutes

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4 Commentaires

  1. atom 22/03/2016
    Répondre

    Ah mince, il me tentait bien ce jeu. Dommage. Le comté de Minervia ce n’est pas Minerve justement ? (petite ville du sud de la France).

    • Umberling 22/03/2016
      Répondre

      En effet, ce n’est peut-être pas Menerbes, mais Minerve !

  2. morlockbob 22/03/2016
    Répondre

    Ca partait bien, dommage. Un peu trop pressé de sortir leur jeu chez Flanagan ?

    • Umberling 22/03/2016
      Répondre

      Je pense qu’ils ont plus péché par désir d’accessibilité. Parce qu’économiquement, ça marche bien : les cartes apportent un nombre de points de victoire équilibré par rapport à la prise de risque (ou non-prise de risques). L’idée était de faire un jeu de gestion léger, et ça c’est réussi. Mais c’est frustrant car l’ensemble manque de finesse.

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