Insider, Oink Games se la joue Party Game

Comme cela fait bien longtemps que je n’avais pas mis les mains dans le cambouis de la critique de jeu de société japonais, quoi de mieux que de revenir à ses premières amours ? Oink Games, vous connaissez probablement ! Si non, il est temps de sortir de votre caverne ludique et de venir découvrir de plus près leurs joyaux fournis dans des boîtes si petites que la version luxe de Love Letter chez AEG ressemble à Caverna.

En mai dernier avait lieu un événement assez mineur dans ma ville d’adoption, Nagoya. La ville organisait son premier salon du jeu japonais et bien que les visiteurs soient venus de façon assez confidentielle, j’ai pu y découvrir le nouveau jeu de la Team Insider. Leur jeu éponyme est une merveille et il était temps que quelqu’un en parle, en français, en tout cas.

 

Le Family Game Festival dont la première édition a eu lieu cette année !

Le stand Oink Games au Family Game Festival dont la première édition a eu lieu cette année !

 

Insider est un party game ! Pas de ceux, étranges, qui vous demandent de jouer et rejouer les Loups Garous de Thiercelieux en version nippone, non, non. Il s’agit d’un jeu amusant et simple pour tous les publics tels que nous en voyons régulièrement paraître en France.

Le jeu se joue de 4 à 8 joueurs, à partir de 9 ans, pour des durées de partie d’une quinzaine de minutes. Mais vous parler de la durée est une erreur puisque la boîte ment effrontément. Oui, soyez-en sûrs, vous ne jouerez pas 15 minutes à ce petit jeu de devinettes à tendance fourbe mais bien quelques heures d’affilée, comme nous l’avons fait le jour où nous l’avons découvert.

Insider, qu’est-ce que c’est ?

Dans Insider, plusieurs rôles sont distribués en début de partie. C’est un jeu à identités cachées saupoudré de réponses antinormandes et d’accusations abusives ! Ça pourrait paraître violent mais rassurez-vous, le jeu se déroule dans une ambiance exaltée et bon enfant. Généralement !

Il existe trois rôles distincts dans le jeu : le maître du jeu, les citoyens et le traître. Le traître, ce fieffé goujat qui s’accoquine avec la frontière entre le vrai et le faux, entre l’indice et la mauvaise direction… bref, un profil psychologique complexe que le jeu vous demandera de prendre à bras le corps, ou à corps perdu, tout dépend de quelle génération littéraire vous vous êtes entiché lorsque vous étiez au lycée.

Au début de la partie, le maître du jeu va lire secrètement le mot que les autres joueurs devront deviner. Il ne sera pas seul à connaître dès le début de la partie le mot secret. Une fois que le maître du jeu aura fermé les yeux, le traître va rapidement profiter de quelques secondes de silence convivial et reposant pour lui aussi jeter un œil au mot magique.

Le mot secret est le 6 ! En effet, le mot à choisir est indiqué par le numéro imprimé au dos de la carte suivante.

Le mot secret est le 6 ! En effet, le mot à choisir est indiqué par le numéro imprimé au dos de la carte suivante.

 

Une fois ces deux étapes franchies, tout le monde ouvre les yeux. Le temps d’un sablier, aux couleurs flamboyantes qui caractérisent les jeux de la maison d’édition de Jun Sasaki, les joueurs devrons deviner le mot. Le traître devra filer un coup de main, bien sûr, mais tout en prétendant ne pas être au courant de la réponse : un exercice délicat qui demande une agilité dans le questionnement et l’empêchement de tourner en rond sacrément impressionnante.

Pourquoi le traître devrait-il donc aider les citoyens à trouver la bonne réponse ? C’est bien simple : lors de la première partie du jeu, si aucun des deux camps représentés ne trouve la réponse, tout le monde est éliminé. Traître, maître du jeu et citoyens, tous au gibet !

Pour ajouter à la difficulté de la chose, les joueurs ne peuvent poser que des questions fermées et le maître du jeu ne pourra répondre que de trois façons, toutes plus épatantes que les autres : Oui ! Non ! Je ne sais pas ! (Ou aucune idée pour les humbles colériques…).  

Les citoyens n’ayant aucune idée d’où aller avec leurs questions fermées, le traître aura pour mission de les guider discrètement, un peu à la manière de l’herméneutique, cette science consacrée à nous rendre moins idiot en nous faisant croire qu’on est à l’origine d’un raisonnement. Enfin, c’est tout ce que j’ai retenu (compris ?) de mes cours de philosophie puisque j’étais fort occupé à regarder une de mes camarades de classe bien trop jolie pour notre humanité déchue.

Si les joueurs trouvent la bonne réponse, ne vous réjouissez pas trop vite, car le jeu n’en est qu’à son milieu de partie. Il faudra désormais que les joueurs, le maître du jeu inclus, décident du sort de l’illuminé de la troupe. Est-il le traître ? Ou bien un citoyen chanceux ? Ou encore, a-t-il juste été le jouet de notre traître manipulateur ?

Le vote est ouvert ! Les votes fonctionnent de manière très simple. Si une majorité des votes accusent le joueur qui a trouvé la bonne réponse d’être le traître mais qu’il ne l’est pas, le traître gagne la partie. Si, au contraire, les joueurs refusent de voter massivement contre lui et qu’il s’agit effectivement du traître, le traître gagne là encore ! Par contre, si la majorité n’accuse pas le joueur et que ce dernier n’est pas un traître, il retourne sa tuile rôle et on passe au deuxième vote !

Le deuxième vote fonctionne de la même façon mais cette fois, le joueur plus malin que les autres participe aussi. Les joueurs pointent du doigt le joueur qu’ils souhaitent accuser de trahison et on résout. Majorité contre un citoyen, le traître gagne, majorité contre le traître, les citoyens et le maître du jeu l’emporte .

La matériel qui vous attend dans la boîte !

La matériel qui vous attend dans la boîte

C’est comment ?

Alors, laissez-moi voir si je peux me débarrasser de ma subjectivité et de mon affect pour les jeux de Oink Games. Voilà qui est fait ! Revenons-en donc à notre critique. C’est bien simple. Pour moi, il s’agit d’un jeu aussi réussi que les dernières pépites du party game, à savoir Codenames et Spyfall.

Les premières parties sont troublantes. D’abord, il y a ces règles qui semblent laisser flotter l’impression que c’est un jeu déjà vu mille fois mais ce n’est qu’illusoire (à moins que je n’aie raté un très bon jeu du même genre !), parce que, croyez-moi sur parole (c’est ce que demandent généralement les critiques qui manquent de certitude), c’est unique !

Certes, les mécaniques semblent sorties tout droit de succès déjà vus : des votes, des rôles cachés… mais cette idée de deviner des mots d’une simplicité parfois enfantine en n’utilisant que des questions fermées, mais pourquoi donc ne pas y avoir pensé plus tôt ? Mais ce n’est qu’un essentiel détail mécanique qui, associé à la présence d’un traître qui doit faire deviner les autres pour avoir une chance de gagner, permet d’en faire un jeu exceptionnel.

Le traître, le rôle le plus passionnant, fait en général quelques faux pas lors de la première partie mais très vite, comme si ce talent était finalement inné chez chacun de nous, il prend la mesure de ce qu’il peut faire pour manipuler efficacement et intelligemment des citoyens trop concentrés à essayer de trouver la bonne réponse.

Trouver le juste équilibre pour ne pas être trop lisible par les autres lors d’un moment de silence trop long, ou savoir les aider avec habileté lorsqu’ils partent dans des directions complètement opposées au mot à trouver tout en feignant l’ignorance, sont des situations courantes lors des parties.

Réussir à ramener les citoyens complètement paumés sur le droit chemin sans se faire repérer, ou les amener à poser des questions plus précises sans qu’ils ne s’aperçoivent que c’est vous qui les guidez… voilà autant de moments géniaux que cette petite boîte qui ne paye pas de mine parvient à faire naître en moins de 15 minutes.

Il arrivera que certains traîtres soient flagrants, et de même, que certains citoyens passent pour des traîtres évidents mais parfois, quel délice… La souffrance des joueurs quand viendra le moment du vote final est palpable. Une de ces souffrances que seul le jeu peut faire naître en nous… celle qui donne autant de plaisir que de frustration. Je l’appelle la maladie de Feld, mais chacun a son créateur de frustration en tête, je n’en doute pas.

insider-jeu

Comme toujours chez Oink Games, le matériel est impeccable et l’habillage graphique parfaitement adapté aux composants du jeu tout en ayant le bon goût d’être très beau et original.

Sous ces atours d’une simplicité déstabilisante, je pense qu’en réalité Jun Sasaki et les auteurs du jeu sont parvenus à créer un jeu qui fera date. Insider restera chez Oink Games et n’ira pas voir un éditeur étranger. Jun Sasaki m’a plusieurs fois répété que ses jeux ne seraient désormais diffusés en Europe que via ses bureaux en Allemagne ou au Japon. Les règles anglaises, françaises et allemandes ainsi qu’une traduction des cartes seront d’ailleurs disponibles à Essen dans les boîtes de la première édition internationale du jeu !

Pour les chanceux qui iront à Essen, si j’apprends que vous ne l’avez pas essayé, gare à vous !

 

La fiche de jeu

Un jeu de Akihiro Itoh, Daichi Okano, Kito Shinma,Kwaji
Illustré par Jun Sasaki
Edité par Oink Games
Pays d’origine : Japon
Langue et traductions : Anglais, Japonais
Date de sortie : 06-2016
De 4 à 8 joueurs
A partir de 9 ans
Durée moyenne d’une partie : 15 minutes

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4 Commentaires

  1. LeGrub 27/09/2016
    Répondre

    Il était sur ma liste ! 🙂

     

  2. Serverin 29/09/2016
    Répondre

    Je pense que tu voulais parler de la maïeutique.

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