Vous souvenez-vous de là où vous alliez chercher de l’information quand vous avez commencé à vous intéresser aux jeux ? Il est probable que ces sites internet et magazines aient disparu, ou se se sont considérablement transformés depuis. Il en va de même des sources d’information ludiques comme des auteurs et éditeurs :  énergies créatrices, émergences, engouements,  lassitudes, transformations, disparitions, voire réapparitions parfois, forment une sorte de cycle de vie naturel.

L’augmentation du marché, du public, couplée aux progrès techniques, permet régulièrement l’apparition de nouvelles voix et de nouvelles formes, leurs multiplications, tandis que, dans le même mouvement, de nombreux titres disparaissent, par obsolescence, usure des promoteurs, ou manque d’investissement du public. Les magazines ne sont pas moins que le web,  soumis à ces flux, d’autant qu’ils reposent sur une économie très particulière. Mais, moins nombreux, tissant un lien autre avec les lecteurs qui les achètent, ils marquent semble-t-il beaucoup plus les mémoires quand ils vont, viennent ou reviennent.

Le dernier numéro d’une revue qui a marqué son temps

En ce qui concerne la presse magazine, le paysage s’est ainsi énormément transformé depuis l’époque, souvent évoquée avec nostalgie, de Jeux et Stratégie.

Apparition du web, d’une première vague de blogs, de Tric Trac, de la vidéo, des podcasts, les sources d’informations actuelles et les manières de les consommer ne sont plus du tout celles d’il y a dix ans, et il est probable que dans dix ans encore d’autres mutations aient lieu. Cela pose d’évidence la question de la place particulière qu’occupe la presse magazine autour du jeu.

Il y a eu, ces dernières années, dans le secteur, énormément de dégâts, constat qui ne se limite pas à notre loisir d’ailleurs. Pour ne parler que des éditions papier, des magazines francophones de plus ou moins grande importance ont mis la clé sous la porte : Jeux et Stratégie (1980-1989), tout d’abord, Jeux en boîte (2000-2007) ensuite, puis le très classe et regretté Jeux sur un plateau (2003-2012). Notons dernièrement, l’honorable tentative JDS (2015) n’est pas allé au-delà de quelques numéros. 

Un numéro mythique, régulièrement cité comme fondateur.

Plato

Il y aurait là une histoire tout à fait intéressante à documenter. C’est d’ailleurs ce qu’a entrepris Pierre Deseuf, sous la forme désuète mais si agréable du feuilleton, à partir du numéro 86 de Plato. Dans une étude remarquable, mélange d’érudition et de travail sur la forme journalistique, il donne la parole aux différents intervenants de l’aventure Jeux et Stratégie. Le choix est étrange, d’ailleurs, de ne pas mettre en avant sur la couverture l’un des articles les plus passionnants du mois.

Plato qui a maintenant dépassé les dix ans d’existence et approche doucement du numéro 100, a lui aussi connu par le passé de fortes difficultés, différentes incarnations, dont un PDF gratuit et une version internationale (en anglais) qui n’a pas fonctionné.

Revenu au pur papier, il a opté tout récemment une nouvelle maquette bien plus agréable. Le fait que j’y collabore régulièrement ne me prive nullement de la possibilité de signaler qu’il y a parfois à cet endroit des choses que l’on ne trouve pas ailleurs. Il serait en effet ridicule, surtout au vu de sa longévité, de faire ici une Revue de la presse écrite sans parler d’eux, fusse en mode schizophrène. Et, franchement, cette série d’articles vaut le détour pour qui s’intéresse à cette époque glorieuse où la PAO n’existait pas, et où tout se faisait à la main.

… avec un des acteurs de Jeux sur en plateau en couverture

Ravage

Lors du dernier festival de Cannes, j’avais eu la chance de lire en profondeur le n°1 de Ravage-jeux de plateau, sorte de « spin off » de la revue consacrée aux figurines. Eux aussi se réorganisent, avec un rédacteur en chef très sympathique qui porte le projet à bout de bras. Je ne sais pas si le numéro 2 est en route, ni quelle périodicité ils envisagent, mais je suivrai cette aventure avec grand intérêt. C’est une bonne nouvelle pour les amateurs d’avoir accès à des sources d’informations variées.

L’esthétique de ce premier numéro, présenté comme un “hors-série”, est très agréable, plus aérée, plus centrée sur l’image que la concurrence. Sur le fond, j’étais sans doute en recherche de plus d’approfondissements, mais le caractère passionné du propos emporte l’adhésion.

Cette déclinaison semble à même de faire des ponts entre les publics, et non pas de parler aux seuls spécialistes. Signe qu’il n’y a pas que de la déperdition, il y a aussi de la création. C’est tout à fait typique d’une époque où l’on parle sans cesse de “crise de la presse” mais où, mutation oblige, de superbes titres sont apparus, comme La septième obsession par exemple.

Cross over jusque sur la couverture

Counter

Nous ne recevrons plus jamais Counter dans la boîte au lettre, ce format “A5 – fanzine” presque risible dans une époque où des gosses de quatre ans savent trousser un Blog WordPress plus adéquat graphiquement.

Désormais disponible contre 5 euros sur la boutique de BoardgameGeek en téléchargement, il s’est doté d’un nouveau modèle économique  et d’une couverture beaucoup plus agréable. Sur Ludigaume, vous trouverez un long entretien en deux parties sur le pourquoi du comment avec le nouveau patron, Greg Schloesser. 

Le magazine a très peu changé à l’intérieur : basique sur la forme, souvent très intéressant sur le fond. Ainsi, les avis multiples et subjectifs, le pedigree des plumes, et, comme dans le numéro 73, l’exploration de produits et de territoires que l’on ne trouve pas dans la presse francophone.

La private joke selon laquelle “un magazine de jeu de société réussit est un excellent goodie avec lequel on offre quelques articles en cadeau” ne s’applique pas dans ce cas puisqu’il n’y a que du texte. Reste à voir si le modèle téléchargement payant, en place depuis sept numéros, fonctionnera. Je reviendrai plus en détail ultérieurement sur celui-ci, en date d’août 2016.

La tentacule est vendeuse, décidément…

Spielbox

Toujours, dans la presse anglophone, la lecture de Spielbox (version internationale), auquel j’ai été abonné un an, et dont je m’en étais lassé pour je ne sais plus quelle raison, me manque ; je pense y revenir. Pour les mêmes raisons que je lis Counter : c’est un magazine tout à fait pertinent qui offre un point de vue diversifié.

Je reviens souvent sur cet exemple, mais ils ont quand même fait ce qui serait impossible en France : consacrer (deux fois !) la couverture à ce que nous considérons ici comme “un petit jeu de cartes mineur et mal illustré” (voir ci-dessous). Cela permet de bousculer les certitudes issues d’une pratique en cercles restreints. Donc, réabonnement à venir, et sans doute quelques commentaires à venir aussi, entre engouement et agacement, comme avec tous les titres cités plus haut.

L’une des deux « covers » de Wizard

Battles

Je n’ai pas parlé des revues wargames, Vae Victis en tête, mais je dois avouer que la plus grosse claque de ces dernières années fut la maquette du magazine Battles. C’est un modèle assez particulier : publication erratique, vendue relativement cher (30 euros) même avec un nombre de page élevé (144) et un jeu complet en encart de chaque magazine.

La maquette est splendide, le format presque-carré élégant, la couverture souvent énorme, la stratégie tournée d’emblée vers l’international avec de longs et passionnés texte en anglais, il y a beaucoup de photographies pleine page. Je n’ai jamais réussi à interviewer les gens qui sont derrière, qui semblent régulièrement débordés mais, clairement, elle ressemble probablement à ça, la revue de JDS que j’attends.

Excitant non ?

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