Okanagan – Dans la vallée, oh oh…

Une fois n’est pas coutume, mon introduction revêtira peut-être plutôt une forme de conclusion. En effet, Okanagan fut pour moi un de ces jeux difficiles à chroniquer. Le tout est intéressant sans être vraiment passionnant, il n’est pas mauvais mais pas assez bon pour donner envie de refaire une partie rapidement, mais on se sent tout de même obligé d’y rejouer plusieurs fois avant d’écrire (au lieu d’une seule généralement pour ces comptes rendus à chaud que sont les Just played). On essaye ainsi encore et encore de cerner le jeu en se demandant si on ne passe pas à côté, afin de faire basculer son avis vers le « j’aime » ou le « j’aime pas » de façon plus nette. J’ai ainsi réalisé 3 parties d’Okanagan à ce jour, et il m’est encore très difficile de statuer sur le jeu. Malgré tout vous verrez que certaines choses se dégagent. Je m’en vais vous le présenter pour que vous puissiez savoir de quoi il retourne, et vous expliquer au mieux ce qui me laisse aujourd’hui dubitatif sur ce titre.

 

 

Présentation

Okanagan est un jeu de Emanuele Ornella, qui a déjà une belle ludographie à son actif (récemment croisé sur le sympathique Pioneers notamment).

Côté illustrations, on retrouve Piero aux pinceaux, que l’on ne pressente plus (vous ne connaissez pas ? Dice Town, Ghost Stories, Mr Jack, Kero…). On reconnait bien sa patte colorée dans le jeu, et il s’essaye au design de tuiles, un exercice toujours assez difficile puisque représenter de manière esthétique des paysages vus par au-dessus ne permet que peu de liberté. Ses illustrations sont pourtant réussies sur les tuiles, et agréables sur les ressources.

La couverture quant à elle est belle et paisible, mais ne reflète pas vraiment l’esprit du jeu auquel on va jouer.

Le tout édité par Matagot, avec une présence en boutique depuis fin 2017. Le jeu est passé un peu sous les radars d’ailleurs. A raison ? Peut-être, peut-être pas. Allons étudier cela !

 

Y a quoi dans la boîte ?

Okanagan est un jeu de tuiles, vous aurez donc pas mal de tuiles dans la boîte (60), ainsi que des éléments en bois au couleur des joueurs, de différentes formes (48). Mais pas que !

En effet, Okanagan est avant tout un jeu de ressources, vous en aurez des tas, sous la composition de punch board de différentes formes (ronds, carrés, hexagonales), avec de multiples illustrations dessus. Pas moins de 12 différentes ressources à collectionner vous attendent (soit plus d’une centaine de jetons).

Vous aurez aussi des cartes, pour des collections ou des objectifs divers, mais j’y reviendrai en détail.

Bref une belle boîte plutôt pas mal remplie, avec un bel insert en carton illustré.

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La jolie box

 

Tu joues ?

Pour avoir un aperçu rapide du fonctionnement du jeu en vidéo, je vous invite à aller voir le Ludochrono.

Pour vous faire une idée rapidement, c’est un jeu de pose de tuiles et de bâtiments « à la Carcassonne« , qui permet de gagner des ressources que l’on essaye de collectionner selon les objectifs secrets que l’on possède. 

À chaque tour, on colle les tuiles les unes aux autres de manière contiguë selon les types de terrains, et on y ajoute systématiquement l’un de nos bâtiments dessus pour y indiquer notre présence. Dès qu’un terrain est « fermé » (qu’on ne peut plus l’agrandir), alors les joueurs placés dessus se repartissent les ressources. C’est assez simple en fait.

Là où ça se complique un peu, c’est qu’il ne faut pas collectionner tout et n’importe quoi. En effet, sur les 12 différentes ressources du jeu, vous n’allez scorer que sur 4 ou 5 environ, selon des cartes objectifs que vous allez récupérer au début de la partie (et également certaines en milieu de partie qui ne s’ajoutent pas, mais peuvent remplacer d’autres que vous possédez si elles vous arrangent).

 

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Le terrain s’agrandit au fur et à mesure, de même que la présence des batiments

 

L’autre subtilité c’est les bâtiments, il en existe de 3 types qui vont vous permettre de gagner plus ou moins de ressources lors des partages. En effet, certains bâtiments vous permettent de vous installer sur plusieurs types de terrains simultanément, mais ne récoltent que peu de ressources, et d’autres se spécialisent sur un seul terrain pour en maximiser les gains.

Le « twist » pour les répartitions des ressources, c’est quand on est plusieurs à être présents dans une zone fermée, on va devoir respecter un système d’influence. Plus le bâtiment qu’on a placé est puissant et permet de récolter beaucoup de ressources, plus l’influence est forte. Celui qui aura la plus forte influence pourra se servir en premier, les autres joueurs ne récupérant que ce qu’il reste – s’il reste encore quelque chose.

Par contre le joueur ayant le moins d’influence va pouvoir bénéficier d’un petit pouvoir spécial, qu’il va jouer avant la répartition. Cela va lui permettre de multiples actions, comme récupérer quelque chose qui l’intéresse, échanger des ressources avec la réserve, voler des ressources à un adversaire…

 

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On va aussi collectionner des cartes pépites d’or, qui accorderont un bonus de majorité en fin de partie

 

La partie va continuer ainsi durant un nombre de tours fixé par le nombre de bâtiments que l’on possède, et on observera à la fin de la partie combien de points de victoire on obtient avec nos collections de ressources.

Voilà pour le tour d’horizon rapide. On passe au ressenti de jeu ?

 

Le ressenti en jeu

Joueur régulier de Carcassonne, Okanagan avait tout pour me plaire avec ses jolies illustrations. Je partais donc plutôt confiant sur le jeu. Il se trouve qu’il est finalement beaucoup plus compliqué à jouer et à expliquer que je ne le pensais.

En effet, même si le concept est assez facilement expliqué, certains points de jeu ne sont pas du tout intuitifs. Je pense notamment au système de récolte et d’influence. En effet, le bâtiment qui s’étend sur 3 territoires ne fait qu’une influence et une récolte, et ceux sur 1 territoire font trois récoltes et trois influence. Ces données, il faut les connaitre par cœur, et les associer au bon bâtiment, car rien dans l’ergonomie du jeu ne vous le rappellera. Conséquence, tout le long des parties, les joueurs se demandent si les bâtiments qu’ils ont se posent sur 1, 2 ou 3 territoires, et combien ils permettent de récolter de ressources. Un système mnémotechnique sur les bâtiments aurait été le bienvenu.

De plus, le système de partage donnant la priorité à celui qui a le moins d’influence pour prendre le bonus est un peu déconcertant, car après avoir fait le décompte, ce n’est pas tout de suite le plus influent qui opère. Si c’est assez malin, car on peut espérer se glisser dans des partages avec juste un petit bâtiment pour profiter du bonus, c’est aussi difficile à assimiler pour le public familial auquel j’estime que ce jeu se destine.

Ces points peuvent être intégrés facilement quand on est un joueur régulier, mais plus difficilement pour les joueurs plus occasionnels. Comme je joue beaucoup avec ce type de public, un joueur comme moi aura du mal à sortir ce jeu, car je sais que les joueurs auront du mal à intégrer ces paramètres et que la partie va être laborieuse. Et c’est un défaut majeur du jeu à mon sens.

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Les 3 différents types de bâtiments de chaque joueur

 

Mais faisons un peu le tour des points positifs. L’une des bonnes idées du jeu réside dans le fait que l’on pose forcement un bâtiment à son tour. Ainsi, nos bâtiments font office de compte-tours, et on sait toujours où on en est dans la partie. Cette gestion des bâtiments est justement un point intéressant car ils n’ont pas tous la même valeur (contrairement à Carcassonne que je citais où les Meeples sont identiques si on occulte les extensions).
Ainsi, une petite gestion de nos bâtiments et de leur puissance s’opère, car lorsque l’on en place un, il nous faut estimer la possibilité de fermer la zone sur laquelle ils sont mis pour les rentabiliser. Et plus la partie avance, plus le risque de placer des bâtiments pour rien est importante.

En habitué des jeux de collection, on est souvent tenté de se placer aux endroits les plus rentables pour gagner gros, mais on se retrouve alors avec des tas de ressources qui ne nous sont d’aucune utilité, ne scorant pas dans nos collections. Il faut apprendre à être efficace dans nos récoltes au fur et à mesure des parties.

Concernant le scoring justement… c’est une sensation assez étrange que j’ai eu en jouant. Au début de la partie, on va garder secrètement 3 scorings sur 5 que l’on nous distribue, afin d’essayer de les optimiser entre eux (par exemple, si j’ai besoin de cailloux dans mes 3 scorings, ce sera plus rentable). Et force est de constater que ce scoring est du coup très dépendant du tirage. On peut être assez désavantagé par rapport aux adversaires qui auraient la chance de les optimiser. Le fait d’en récupérer d’autres en milieu de partie pour compenser donne l’impression d’être un patch, que l’on donne aux joueurs pour dire « vous n’avez pas eu de chance au tirage au début, rattrapez-vous maintenant », voire même « vous avez mal joué, et récolté n’importe quoi, et bien pas de soucis, vous pouvez tout changer et scorer plein de choses quand même ». Ce système est très perturbant car il donne l’impression d’être un catch up déguisé pour les joueurs mal partis.

 

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3 différentes cartes de scoring

 

Par contre, le fait d’avoir des scorings secrets est très intéressant, car on essaye de deviner au mieux ce qu’essayent de prendre les adversaire, pour leur subtiliser les ressources qui les intéressent durant les partages. En effet le jeu est assez fourbe sur ce point, avec pas mal de petits coups d’interaction qui tapent dans les collections des adversaires, notamment grâce aux pouvoirs octroyés au joueur le moins influent.

Ces pouvoirs se trouvent sur les versos des piles de tuiles à prendre en fin de tour. Car oui après avoir joué, on sélectionne notre prochaine tuile non pas complètement aléatoirement, mais parmi 3 pioches visibles, ce qui donne un peu de maîtrise, puisqu’on va essayer d’aller chercher des tuiles qui contiennent les ressources qui nous intéressent, ou qui nous permettent de fermer des zones octroyant des ressources. Ce choix parmi 3 est tout de même beaucoup plus agréable que de piocher une tuile dans un sac, c’est une sensation de contrôle minimal, qui nous évite de pester sur nos tirages.

Les versos des piles de tuiles font donc office de pouvoirs, et sont de toutes sortes. Beaucoup sont liés à des gains de ressources ou des échanges avec la banque, ce qui permet de se débarrasser des ressources inutiles que l’on possède. Mais on a aussi un peu d’interaction entre joueurs afin de voler des ressources aux adversaires.
Je retiens surtout deux choses de ces pouvoirs. Déjà il y en a beaucoup, et il est difficile de se rappeler de tous (l’iconographie n’est pas toujours intuitive). On passe donc la partie avec le livret de règles ouvert pour vérifier l’effet des tuiles. Mais surtout, les pouvoirs ont des puissances très diverses pour ne pas dire déséquilibrées. Entre « chaque joueur vous donne une ressource » et « défaussez les tuiles de la pioche« , le gap est assez énorme ! On se trouve souvent à pester contre les pouvoirs auxquels on a accès, pas toujours intéressants pour nous, selon les configurations.

La partie se joue plutôt rapidement, 40 minutes installation comprise, et on arrive au scoring final (qui n’est pas si laborieux). Par contre, on a souvent un sentiment étrange de « tout ça pour ça », car on se retrouve avec parfois 25 ressources mais uniquement une dizaine qui nous rapportent des points.

 

Le bilan… tant bien que mal !

Après 3 parties d’Okanagan pour ce Just played, je n’arrive toujours pas à savoir si le jeu repose sur un gros facteur chance ou s’il a besoin de beaucoup de parties pour être réellement maîtrisé.

En effet, le système de répartition et d’influence laisse peu de maîtrise sur le jeu et ce qu’on va récolter. On a beau s’être placé aux lieux où se trouvent les ressources qui nous intéressent, on n’est pas forcement maître du moment où la zone sera fermée, et encore moins des valeurs d’influence de chacun, on se retrouve souvent à récupérer des ressources inutiles au lieu de celles qui nous intéressent.

Il n’en reste pas moins que le jeu est sympathique à jouer, si on occulte les difficultés d’apprentissage des différents bâtiments et de leur fonctionnement. Oui, il m’est agréable, sans pour autant avoir très envie d’enchaîner les parties. Comme je le mentionnais, le chaos de ces récupérations de ressources donne l’impression d’un manque de contrôle sur le jeu, bilan, on ne sait pas ce que l’on pourra faire de mieux la prochaine partie.

Voilà au final un jeu qui m’a donné l’impression d’être entre deux publics, trop complexe à prendre en main pour être vraiment familial (à la Kingdomino ou Carcassonne) et trop chaotique pour les joueurs réguliers qui aiment souvent contrôler les conséquences de leurs actes sur un jeu de ce type. Je lui préfère toujours Carcassonne pour les joueurs débutants, voire même Isle of Skye, que je trouve plus fin et également plus accessible.

 

 

 

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2 Commentaires

  1. morlockbob 14/09/2018
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    ma cabane Okanagan ce sera pour une autre fois alors, c’est dommage, mais j’avoue que je n’ai pas vu passer ce jeu, je croyais qu’il était pas sorti….

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