[just played] Convoi : un jour, j’irai à New York avec toi

Convoi, Kezako ?

Convoi est un jeu de cartes pour deux joueurs qui se situe dans le monde plein de douceur, de poésie et de tendresse de Neuroshima Hex. En d’autres termes, la terre est ravagée par une guerre que les machines vouent à la race humaine et que clairement, les machines sont en train de gagner. New York est l’un des derniers bastions de la résistance humaine et les implacables Molochs (le nom de la faction des machines dans ce jeu) font route vers la ville qui ne dort jamais, immense armée de robots de combats.

Seuls, farouches, dignes, et franchement mal barrés, les valeureux soldats de l’Outpost (la faction humaine) vont tenter de ralentir l’irrésistible avancée de l’armada Moloch pour donner aux forces de défense de New York le temps d’organiser la… défense.

Convoi est un jeu complètement asymétrique :

  • les deux factions obéissent à leurs propres règles
  • ​les deux factions ont des conditions de victoire radicalement différentes :

     

    – Les Molochs doivent raser New York. En d’autres termes, lorsque le dernier combat à New York a lieu, il doit rester au moins un robot Moloch non détruit.
    – L’outpost doit mener une guerre d’attrition face aux Molochs et user de leurs forces pour être en mesure de détruire tous les robots Moloch lors du dernier combat à New York, et de vider le deck du joueur Moloch.
     

Donc joueurs de dames, passez votre chemin : Convoi offre une expérience ludique radicalement différente selon la faction que l’on choisit. On aime ce genre de jeu ou pas. Personnellement, j’aime beaucoup, Netrunner étant un de mes jeux préférés. J’aime l’idée qu’il va falloir jouer sur les forces de ma faction et sur les faiblesses de celles de mon adversaire pour tirer mon épingle du jeu.

Comment que ça marche (c’est que ça court, le Moloch)

​Les deux joueurs vont jouer une série d’escarmouches dans 5 villes, la dernière de ces 5 villes étant New York. Chacune de ces villes comportent un certain nombre de districts (de 2 à 4) qui seront autant de batailles à mener.

Le jeu étant asymétrique, les phases de jeu ne sont pas exactement les mêmes pour les deux camps, et le tout se résume comme suit :

  1. Les deux joueurs piochent chacun 2 cartes de leur deck
  2. Le joueur Moloch choisit l’un des disctricts de la ville active. La ville active, c’est la première ville qui n’a pas encore été ravagée (c’est-à-dire dont tous les districts n’ont pas été détruits) sur le chemin de New York. Pourquoi c’est important de choisir un district ? Parce qu’après la phase de combat, le joueur qui aura gagné l’escarmouche se verra remettre le bonus du district (qui dépend des districts, donc).
  3. Attaque du joueur Moloch : en fait d’attaque », le joueur Moloch place ses robots. Il peut les poser sur toutes les villes qu’il veut, autant qu’il en veut, à concurrence du nombre de combattants de chaque côté que la ville peut accepter. Il peut placer ses combattants sur des villes en aval de la ville courante ou les placer au niveau de la ville où a lieu le combat du moment.
    Pourquoi aller plus loin me direz vous ? Et bien parce que les soldats/robots sur les villes en aval reçoivent un bonus, dans la mesure où elles ont le temps de se préparer en attendant l’ennemi (c’est donc valable uniquement tant qu’il n’y a pas d’ennemi en face). C’est un des mécanismes intéressants du jeu : à chaque fois qu’on pose un robot/soldat, on a un dilemme entre le coller sur la ville où a lieu le combat pour y gagner un avantage peut-être décisif, ou bien le garder pour plus tard, et peut-être se mettre en difficulté pour le combat courant, mais mieux préparer l’avenir
  4. Attaque du joueur Outpost : pareil, mais pour l’Outpost. A noter que le joueur Outpost a la possibilité d’adapter son jeu au joueur Moloch puisqu’il joue après. Gros avantage ? Oui, mais regardez un peu la suite…
  5. Activation des modules Moloch : le joueur Moloch a une dernière chance de son côté d’ajuster son armée à la force de son adversaire en ajoutant un module à l’un de ses robots.
  6. BASTOOOOOOON : on compare les forces des deux armées, la plus haute gagne. Simple et efficace.

A ce moment, la faction qui gagne applique deux effets :

  1. Le bonus associé au district qui vient d’être détruit. Il est variable selon les districts (d’où l’importance du choix du district à la première phase), il peut consister en la possibilité de détruire une unité ennemie, envoyer une unité amie vers New York..
  2. le bonus de faction associé à la ville en question. Il diffère bien sûr de la faction, mais il consiste souvent pour l’Outpost à obliger le Moloch à « meuler » son deck (tirer des cartes et les défausser immédiatement), et pour le Moloch à détruire immédiatement un autre district (sans bénéficier du bonus pour ce nouveau district détruit, mais qui permet d’avancer plus vite vers New York.
  3. Si le district qui vient d’être détruit est le dernier de la ville, on retourne la carte de la ville en question (elle est ravagée), la prochaine ville sur le chemin de New York devient la ville active, et le joueur Moloh a le droit de redéployer l’une de ses unités sur la (nouvelle) ville active.
  4. Rinse, repeat !

Le processus peut avoir l’air fastidieux à lire, mais il est en pratique très rapide. Les 7 phases ci-dessus ne prennent pas plus de quelques minutes une fois que les joueurs savent ce qu’ils font (ce qui semble être le problème majeur de ce jeu, mais j’y reviendrai plus loin). Chaque joueur pose quelques cartes et on résoud le combat, boum, on passe à la suite. Le jeu est nerveux et le rythme intéressant.

Evidemment, j’ai passé sur quelques points importants dans mon rush des 7 phases de jeu. Notamment, les cartes elles-mêmes. Les cartes sont de plusieurs type :

  • Outpost :
  1. Soldat (qui a une force et une capacité spéciale)
  2. Bâtiment (qui a une capacité spéciale et une force, et qui ne peut pas bouger une fois posé)
  3. Les actions spéciales, cartes dont le pouvoir s’exécute et qui sont défaussées immédiatement
  • Moloch :
  1. Robot (l’équivalent du soldat)
  2. Module (qui s’accroche à un robot sans la phase 5)
  3. Action spéciales

Les pouvoirs des cartes sont absolument capitaux et c’est leur utilisation à bon ou mauvais escient qui permettra à un joueur de l’emporter. Les pouvoirs ont un effet, et une condition de déclenchement. Les effets sont du type « permettre à une unité de bouger », « détruire une unité », « piocher x cartes », « faire meuler l’adversaire », etc… Les conditions de déclenchement sont souvent le moment où la carte arrive dans une ville, ce qui peut arriver quand elle est posée, mais aussi quand on la déplace d’une ville à l’autre. Toutes sortes de combos sont possibles qui rendent certaines cartes très puissantes.

Le matériel de jeu

Je ne vais pas passer trop longtemps sur cette section, pour autant, deux choses doivent être dites et bien dites :

  • Les illustrations des cartes sont dans la moyenne supérieure des jeux de société moderne, elles participent bien à l’ambiance, permettent de planter le décor. L’iconographie des cartes est relativement claire, on peut regretter le choix des couleurs qui consiste essentiellement en vert + rouge + jaune + noir, mais cela fait le taf.

  • Les villes elles-mêmes sont absolument immondes. On n’arrive pas à lire les icones en noir sur fond rouge, d’autres éléments graphiques se confondent avec les éléments de jeu, ça tue les yeux, bref, c’est raté :

Oui, oui, la tâche noire dans le carré de gauche, c’est un icone de jeu…

« Passe moi la règle s’te plait, je voudrais regarder un truc » – « Euh, attend, moi aussi »

Puisque le « just played » consiste à livrer ses impressions après une ou deux parties, c’est exactement ce que je fais. (Shanouillette a été très claire, et je crains pour ma famille…)

Les règles sont claires et courtes, ce qui correspond bien au niveau de complexité du jeu. Là où ça se complique, c’est dans les combos « capacités spéciales » / « conditions de déclenchement ». Finalement, il n’y a que peu de cartes dans chaque deck (35, pour être précis) avec assez peu de cartes en double/triple. Ce qui veut dire qu’on n’a pas mal de cartes différentes dans chaque deck. Et elles ont toutes un fonctionnement différent, résumé par une iconographie un peu ésotérique…

Je vous laisse imaginer ce que ça donne : sur la première partie on passe son temps le nez dans les annexes des règles, à chercher exactement ce que fait chacune des cartes qu’on a dans la main. En début de tour, on tire chacun 2 cartes. Et 3 minutes chacun le nez dans les règles. Puis les modules. Re-2 minutes le nez dans les règles. Très pénible quand on essaie de se concentrer sur les sensations de jeu, ça casse le rythme, bref, pas cool. A tel point qu’on regrette vite qu’il n’y ait pas deux exemplaires des règles dans la boite pour pouvoir paralléliser ces temps de lecture au lieu d’attendre que l’autre ait fini.

La bonne nouvelle, c’est que je suis certain qu’après quelques parties, tout cela n’est qu’un mauvais souvenir, tant il est relativement aisé de se souvenir de 2 fois 35 cartes. Je n’ai pas eu le temps d’en arriver là, mais je suis tout à fait serein qu’après deux ou trois parties, ceci n’est plus du tout un problème et qu’il ne reste que le plaisir du jeu.

Le thème, du contreplaqué ?

A la lecture des règles, voire l’explication de celles-ci, on a du mal à voir où se trouve le thème. On se dit qu’on va empiler des cartes sur des lieux et essayer d’avoir le plus gros total au moment où la bataille se décide, bon an mal an, essayant de min-maxer l’utilisation des pouvoirs.

Et bien on se trompe.

La raison principale en est l’asymétrie du jeu. Le jeu ne se joue juste pas du tout de la même façon selon la faction. L’Outpost essaie, de manière un peu désespérée, de freiner l’avancée implacable du Moloch. L’outpost ne remporte que peu de victoires sur les différentes villes, et assiste, impuissant, à la destruction sûre des villes qui forment le chemin vers New York. Comme il n’a que peu de chances de remporter la victoire sur tel ou tel district, il se doit littéralement de bien choisir les batailles sur lesquelles il va investir, pour ralentir le Moloch autant qu’il le peut et s’assurer que celui-ci arrive à NY avec le moins de cartes possibles, et les plus faibles possibles. C’est un véritable jeu de guerilla.

De son côté, le Moloch a pour lui la confiance en sa force de frappe supérieure. Il écrasera l’Outpost plus souvent qu’à son tour. Il a en main des cartes plus puissantes que celles de son adversaire, et il doit résister à la tentation de les jouer systématiquement, doser son effort et s’assurer de conserver en main de quoi se battre à NY. C’est un jeu plus complexe que cela en a l’air. On a très vite fait de se laisser griser par la puissance des Molochs et de jouer sans discernement.

Le deuxième tour de force de ce jeu, c’est d’avoir su rendre les deux factions si différentes au niveau des pouvoirs en termes de sensation quand on les joue. Les Outposts sont mobiles, précis, chirurgicaux, capables de coups d’éclat mais fragiles et peu nombreux. De leur côté les Molochs sont solides, puissants, implacables.

Pour autant, et à la différence de mon chouchou Netrunner, les deux factions jouent sensiblement avec les mêmes règles. Avoir réussi à mettre autant de saveur et d’ambiance dans ces mécanismes est réellement impressionnant de la part du designer [ndlr : qui n’est autre que Ignacy Trzewiczek, auteur de Robinson Crusoe, Imperial Settlers…].

Conclusion : et bah c’est du tout bon !

Comme vous l’aurez probablement compris à la lecture de ce qui précède, j’ai été plutôt convaincu par les premières parties de ce jeu. On peut évidemment le comparer à cette référence absolue du jeu moderne à deux qu’est Neurohima Hex, et Convoi va avoir du mal à tenir la comparaison, il faut le reconnaître. Seulement deux factions, et il parait difficile, vu que le jeu a été construit autour de cette opposition, d’imaginer deux autres factions. Le jeu est moins tactique, moins technique, moins profond que Neuroshima. Pour autant, je l’aime beaucoup. Il apporte beaucoup de fraîcheur, il est rapide, fin, nerveux, et j’ai beaucoup apprécié les parties. Il faut aussi souligner qu’une fois qu’on sait jouer, le jeu se joue facilement en 30 minutes, ce qui le rend très facile à sortir en attendant que les autres joueurs arrivent pour lancer la soirée jeu.

Pas le jeu du siècle, mais une valeur très sûre en ce qui me concerne.

Auteur : Ignacy Trzewiczek
Illustrateur : Michał Sztuka
Editeur : Iello
Date de sortie : 13/07/2012
Disponibilité : Disponible
Joueurs : 2
Langue : Français French
 Age : à partir de 10 ans.
Durée : 30-40 min
Prix de vente conseillé : 19,95 € T.T.C.


>> Toutes les infos sur la fiche de jeu

 

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2 Commentaires

  1. Sha-Man 20/09/2014
    Répondre

    Je te rejoins dans l’analyse du gameplay.

    J’ai beaucoup aimé Convoi, acheté initialement sur un coup de tête, ce côté nerveux, l’asymétrie impressionnante de par l’équilibre qui en résulte.

    L’impression à la première partie quand on est l’outpost de n’avoir aucune chance face à l’implaccable Moloch est très bien rendue, et pour autant on court dans tous les sens d’une ville à l’autre, on snipe du robot, on regarde mourrir nos troupes en rageant, mais à la fin on sent vraiment l’impact de nos décisions sur l’affaiblissement de l’armée de robots.

    A noter que c’est un jeu qui nécessite des joueurs de niveau assez proche car certaines tactiques se dégagent qu’on ne peut clairement pas voir venir lorsqu’on en est à ses premières parties.

    L’outpost est de mon point de vue également beaucoup plus difficile à jouer et un certain nombre de gens auront tendance à croire que le Moloch est déséquilibré. Dans ce cas-là, un conseil si vous êtes expérimenté, donnez le Moloch à cette personne et mettez lui la branlée de sa vie, juste pour voir s’il invoque le hasard ou le sens du vent pour justifier sa défaite. Mettez lui en une 2ème s’il est pas convaincu 😉

    Pour info, je viens de référencer sur la fiche de jeu de Convoi, les 2 aides de jeu en Français faite par MarKssin et hébergée sur JDJ, une pour outpost et l’autre sur Moloch.

     

  2. TSR 20/09/2014
    Répondre

    J’avoue que de mon côté, c’est le hasard qui a mis ce jeu sur mon chemin (ok, c’est Sha-Man). Assez fan de NH en termes de gameplay, mais par particulièrement de l’univers un peu bourrin sans saveur qui l’accompagne, je ne voyais pas bien l’intérêt. Pour autant, c’est une belle surprise. Le jeu fonctionne pour de vrai, il y a une vraie tension entre les deux joueurs, et je ne reviendrai pas sur l’asymétrie très réussie, et très équilibrée du jeu. C’est vrai que l’Outpost a l’air de jouer une partie perdue d’avance, mais ce n’est pas le cas. Certaines cartes sont presque OP (brouilleur IEM…) et les combos sont dévastatrices.

    Bref, si vous pensez que vous aurez l’occasion de faire des parties à 2 en 30 min, foncez, c’est une valeur sûre. Il faut vraiment que je fasse mon dossier sur Battlecon, moi…

     

     

     

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