INSIDE THE VOX : Ludix 2016

Il y a 2 semaines avait lieu de festival Ludix, en Auvergne. Vous le savez peut-être, ce festival a cela de caractéristique que vous n’y trouverez que des prototypes de jeux. 40 auteurs, reconnus pour certains et complètement débutant pour d’autres, inscrits depuis plus de 6 mois, qui peaufinent leur jeu jusqu’au jour fatidique du festival où le public, et le jury, passera les évaluer.

D’ailleurs nous vous avions proposé l’année dernière un article sur le road trip d’un auteur durant le festival.

Et bien pour cette année, on inverse les rôles, car j’ai eu le plaisir d’y participer en tant que membre du jury ! J’ai eu la lourde tâche, avec 7 autres camarades du monde du jeu (et d’ailleurs) de tester, de commenter et d’évaluer nombre de ces petits jeux. Et ma foi, ce fut une belle et difficile aventure !

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Le gymnase de l’événement

 

Tout d’abord il faut savoir qu’il y a 4 prix au Ludix : le Prix du Public, Le prix décerné par les jeunes, le Prix spécial du jury et le Ludix D’Or.

Etant dans le jury dit « adulte », et nous étions en charge de décerner uniquement les deux derniers. Mes collègues de jury parmi lesquels on pouvait retrouver des éditeurs (Matthieu BONIN-Iello / Mimo BAYEUX-BlueOrange / Cyril BLONDEL-FlipFlap Editions & auteur), des auteurs (ayant remporté un prix l’année précédente : Dorian BERTHELOT / Jim DRATWA / Christian MARTINEZ / Moi même), une ludothécaire (Marie-Hélène MORAN) ainsi que des joueurs un peu moins avertis, à savoir Mathieu MARQUEZ qui faisait déjà parti du jury jeunesse l’an dernier et une élue de la commune, Marianne BERTHOLOTTO, deux personnes qui permettent d’avoir un œil extérieur assez bienvenue.

Nous nous sommes retrouvés dès le vendredi soir pour parler un peu du concours, mais surtout apprendre à nous connaitre un peu plus, et parler du monde du jeu (jusque très tard dans la nuit…).

 

Nous nous sommes ensuite retrouvés le matin dès 9h pour se mettre d’accord sur les directions à prendre en tant que jury. Les choix, les critères de sélection, mais aussi les retours – ou non – à faire aux auteurs en direct après le test du jeu. C’est une pratique qui varie selon les éditions du Ludix, et qui est à la discrétion du jury ; de commenter ou non le ressentit sur les jeux, voir de conseiller l’auteur.

Pour notre part, nous avons fait le choix de leur faire des retours, positifs et/ou négatifs, même s’ils n’engageaient que nous. Mais il faut avouer qu’en tant qu’auteur, il est très difficile de se retenir de proposer aux auteurs quelques ajustements, avec tout de même énormément de réserves puisqu’on ne juge qu’après une seule partie et en situation de festival (et que nos idées ne sont pas forcément bonnes !).

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Le jury se prépare et s’organise

 

Nous nous sommes tous répartis en binômes, afin de pouvoir couvrir l’intégralité des jeux. En effet, il est impossible pour chaque membre du jury de tester les 40 jeux sur le week-end. Chacun en verra donc une quinzaine sur le week-end, et c’est déjà assez ambitieux. 

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Certains jeux redoublent d’originalité. Il n’y a que là bas qu’on peut voir ce genre de protos, et c’est ce qui est bien !

 

Le festival ouvre à 13h, mais les premières sessions de test démarrent dès 10h.

L’avantage quand on est jury, c’est qu’on nous déroule le tapis rouge 😉 La table du jeu nous est réservée pour un horaire précis. Nous n’avons donc qu’à mettre les pieds sous la table au moment venu. L’auteur à lui le challenge de dérouler ses explications et sa partie en 30 minutes max. Il devra donc faire parfois le choix d’écourter la partie si son jeu dure au-delà, ou bien devra simuler une mise en place à 1 ou 2 tours de jeu. Sans compter le stress généré par le passage du jury, c’est une épreuve difficile à surmonter, où on n’a pas le droit à l’erreur, puisque seuls deux membres du jury passeront.

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Mais en tant que jury, la tâche n’en est pas moins facile. Sur cette première journée, chaque binôme jouera à environ 8 jeux. Sur cette sélection de 8 jeux, c’est à nous d’estimer si le jeu mérite qu’on s’y intéresse un peu plus, ou s’il est directement écarté du podium. Pas de deuxième chance. En effet, l’idée de la première journée est d’affiner le panel, et de sélectionner les jeux qui auront le droit à un re-test par les autres membres du jury le lendemain.

Ainsi, chaque binôme fait sa sélection avec l’objectif de n’en garder qu’un ou deux sur les 8 vus. On ne peut pas conserver 3 ou 4 jeux chacun, car si chaque binôme faisait cela, on garderait une liste de 20 jeux pour le lendemain, ce qui n’est pas gérable. Mais écarter une trentaine de jeux dès le premier jour, juste sur un ressenti d’une partie, c’est une responsabilité assez lourde, et les décisions qui en découlent sont très difficiles à prendre.

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Difficile, oui, d’autant que le festival offre de nombreuses surprises en matière de game design. Le Ludix étant ouvert à tous, on trouve toute sortes de jeux, du plus abouti au plus simpliste. Beaucoup de ces jeux fonctionnent très bien, et il ne leur manque peut-être parfois juste un peu d’originalité pour se démarquer du lot. Mais ils fonctionnent et sont plaisants à jouer. Il faut donc faire le choix d’écarter certains de ces jeux plaisants, pour se concentrer sur ceux qui arrivent à se démarquer un peu plus, à créer des sensations uniques ou générer une originalité inattendue. On cherche ces pépites et autres OLNIS qu’on trouve qu’au Ludix et qu’on prend beaucoup de plaisir à découvrir. Certains font le pari de jeux quasiment inéditables, mais aux plaisirs ludiques certains.

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« Maskers » de Philippe Proux qui remportera le Prix spécial du jury

 

Le soir, après le repas, pour les auteurs qui restent un peu, c’est l’occasion pour nous de nous attarder sur les jeux potentiellement un peu longs, ceux que l’on a pas eu le temps de vraiment étudier en profondeur la journée.

On est intrigués par certains jeux d’après les échos des camarades, parfois l’envie d’essayer naît juste à cause du matériel. On se permet donc d’aller jouer aux jeux qui ne sont pas forcément sur notre liste du jour, pour tester mais aussi pour s’amuser. C’est notre Off à nous autant qu’aux auteurs, et l’on peut ainsi en profiter pour engager des conversations un peu plus longues, avoir des informations plus précises, mais aussi tout simplement aller essayer les jeux des copains. 

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Le off, on test encore des protos, mais entre copains, sans pression

 

Pour ma part, j’ai bien profité de ce Off, peut-être un peu trop même puisque j’y suis resté jusque 3h du matin ! Une nouvelle nuit de sommeil sacrifiée sur l’autel du plaisir ludique ! 😉

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Petit dej sérieux à la chapelle où se repose le jury

 

Le lendemain, réveil aux environs de 7h30, pour être prêt pour le petit déjeuner de 8h. Et dès le petit dej’, c’est gros debrief passionné sur les coups de cœur de la veille ou de la soirée. Il nous reste 5 ou 6 jeux à voir le matin avant de faire un pseudo « top 10 » des meilleurs jeux. 

 

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De retour au salon, nous enchaînons nos parties-test jusqu’à midi, où nous pouvons affiner notre sélection. En effet, tous les jeux ont maintenant été vus par le jury, et le top 10 va pouvoir être établi. Il nous reste l’après-midi pour nous repartir afin d’aller tester les jeux sélectionnés par les autres membres du jury. 

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La consigne est passée aux auteurs comme quoi le jury repassera les voir dans l’après-midi. C’est la seule info qui filtre pour les auteurs sur le week-end. Si le jury repasse vous voir le dimanche après-midi, avec des membres différents, c’est que le jeu leur a plu et que vous êtes dans la short list… Mais pour nous, il reste le plus dur à faire, les départager !

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Apres cette après-midi très active où nous essayons rapidement de jouer à ces potentiels gagnants, nous nous réunissons aux environs de 17h pour faire le point final et délibérer. La réunion prend à peu près 1h pour laisser le temps à l’organisation de préparer le podium. 

Alors je vous l’annonce, il est assez difficile d’arriver à mettre d’accord 8 personnes sur les 2 meilleurs jeux du salon en quelques minutes. Cette réunion, c’est argumentation, contre-argumentation, parfois concessions, mais on prend le temps de faire un point complet, et que chacun puisse donner son avis.

Autre point non négligeable, le vainqueur du concours décrochera une place pour le ProtoLab de Cannes. Ça a peut-être l’air de rien pour vous, mais ce ticket magique est une carotte que pas mal d’auteurs peuvent être très tentés de viser, et mine ce rien, cela nous fait nous poser des question sur notre position de jury pour notre délibération. Par exemple un jeu presque signé peut-il gagner sachant qu’il ne se servira pas de ce ticket ? Même question pour un jeu dont l’auteur voudrait s’auto-éditer. Ou bien sur un jeu que l’on estime « inéditable » (à cause du matériel par exemple) ?

Apres réflexion, nous préférons ne pas prendre cela en compte dans nos choix pour ne pas parasiter nos décisions, et de ne juger que sur la « qualité pure » du jeu, sans penser aux conséquences hypothétiques que cela aurait sur le Protolab.

Au final je trouve que les délibérations se sont très bien passées, et que le maître du jury, (aka Matthieu Bonin de Iello), a très bien mené l’équipe pour que tout le monde s’y retrouve efficacement.

Le choix est fait, il ne reste plus qu’à l’annoncer officiellement

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Il faut savoir que durant cette réunion, nous n’avons aucune idée de qui est le gagnant du vote du public (bulletins de vote), ni du choix du jury des jeunes. On a tous un petit sentiment d’appréhension à l’idée de sélectionner un jeu qui gagnerait aussi l’un des autres prix, ce qui est toujours un peu dommage. Du coup, sans que cela n’influence notre décision finale, on s’interroge sur le fait que certains jeux qu’on a recalés au pied du podium pourraient ou non être « repêchés » via un possible autre prix (celui du jury jeune ou du public)… Et oui, c’est parfois un véritable crève-cœur de sacrifier un de ses jeux chouchous car il ne fait pas l’unanimité.

Et voilà, le résultat est rendu ! Les gagnants montent fébrilement sur le podium récupérer leurs prix, et ça fait toujours chaud au cœur d’avoir participé à cette aventure, même si pour 4 gagnants, on peut compter 36 probables déçus.

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Au final, c’est pour moi une superbe expérience que cette participation en tant que jury, sur ce concours que j’ai arpenté en tant qu’auteur durant 3 ans. Ces participations en tant qu’auteur étaient d’ailleurs très plaisantes car on rencontre du monde du milieu (auteurs et éditeurs), on reçoit des retours pertinents sur nos prototypes, on est chouchoutés, et mine de rien, un festival dédié aux prototypes c’est quand même super appréciable ! Bon, le week-end est terriblement fatigant (présenter son jeu 2 jours non-stop), toujours un peu stressant avec cette évaluation par le jury et surtout frustrant de ne pas pouvoir essayer les jeux des copains/camarades/concurrents !

Passer de l’autre côté du miroir a été surtout appréciable pour moi sur le fait que pendant deux jours, j’ai joué !!! Oui, joué sans m’arrêter, jouer alors qu’on me réservait une table, qu’on m’attendait pour démarrer une partie, ou qu’on me demandait de passer jouer le soir. Bref, c’est le bonheur et j’ai profité pleinement de l’événement. J’ai pu apprécier la qualité globale des prototypes présents sur l’événement (ce qui est difficile en tant que participant), et j’ai eu la lourde tache de donner mon avis de tout jeune auteur/journaliste sur ce que j’appréciais ou non. Une expérience forte où j’ai pu encore beaucoup apprendre et découvrir sur ce milieu passionnant.

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Crédits photo Loulou Laloute

 

Et bien sûr voici le palmarès :

  • Ludix d’or : Sylvain Lasjuilliarias – Samsara : Un deck-building original et accessible, où les joueurs devront gérer leur karma d’une vie vers l’autre. Le jury a été sensible à l’équilibre entre la profondeur et l’accessibilité du jeu, pour un jeu bien développé et bien pensé. 
  • Coup de cœur du jury : Philippe Proux – Masker : L’auteur de Nivos, tasso ou encore Fakir revient cette année encore avec un super jeu abstrait. Il sera question d’éliminer les éléments des adversaires via une mécanique de déplacement simple et efficace. Le twist étant qu’on ne sait pas quelle couleur les adversaires jouent ! Un jeu d’une simplicité évidente pour un plaisir immédiat.
  • Ludix « prix de la jeunesse » : Charles Goujon et David Launay – Mob$ster : Jeu coopératif de braquage de banque (je n’ai pas pu y jouer donc j’en dis pas plus) ; 
  • Prix du public : Lucile Chouvier – Croc grenouille : Premier jeu pour cette jeune auteure qui a su ravir le public avec un sympathique jeu pour enfants (je n’ai pas pu y jouer non plus). 

 

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Prototype de Samsara – Ludix d’or 2016 (Photographie par l’auteur)

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1 Commentaire

  1. mattintheweb 12/12/2016
    Répondre

    Je confirme que c’était vraiment un chouette week-end et une très belle expérience, avec une super équipe d’organisateurs, un jury éclectique et exemplaire, des créations de qualités et de belles rencontres ! 🙂

    Merci à toi de me l’avoir fait revivre en texte et en photos. 😉

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