« Dix millénaires, ça vous flanque un de ces torticolis »

Qui saura retrouver celui qui prononce cette phrase ?  Allez, je vous aide, c’est un personnage d’une franchise connue, qui sort d’une bouteille, et qui vous offre trois souhaits. Second indice : « Ce rêêêêêve bleuuuu ».  Trouvé ? Remerciez-moi de vous avoir mis cette musique dans la tête.

Dans Djinn, de Benjamin Schwer ( La couronne d’Emara, Hadara) et nouvelle proposition expert de Matagot, l’objectif sera plutôt d’enfermer des djinns et de bien boucher les bouteilles utilisées. Car n’oublions pas que dans les légendes orientales, les djinns sont plutôt des créatures futées et malfaisantes.

Les djinns ont envahi la ville. Ces créatures éthérées, malines, ont pris possession des quartiers. Petits, grands, ils sont partout. Vous, en tant qu’apprentis de la guilde magique, vous avez le devoir de protéger la cité en capturant ces êtres néfastes.

Vous aurez à vous préparer, à activer vos cercles magiques, à récolter les ressources précieuses et surtout vous équiper en bouteilles magiques pour enfermer ces djinns en maraude. Sans oublier de bien refermer la bouteille. Gloire, bonheur et points de victoire vous attendent au terme de cette chasse (à défaut d’avoir des souhaits).

Tout cela semble bien simple sur le papier, mais un djinn, ça ne s’attrape pas si facilement. Ceux-ci sont nombreux, de différentes essences (feu/eau/air/terre), et souvent accompagnés d’un djinn un peu plus costaud (le boss djinn). Evidemment, à chaque djinn, sa bouteille spécifique pour l’enfermer, à l’aide de votre puissance magique. Vous n’imaginiez pas mettre un djinn de feu dans une bouteille d’eau, non ? 

Mais comment part-on à la chasse aux djinns, ce qui n’est pas encore une discipline olympique ? À chaque tour, il faudra déplacer son apprenti vers un quartier de la ville adjacent à celui où il se trouve, sans revenir sur ses pas.  Chaque quartier propose une action soit basique (quartier carré), soit avancée (quartier rond). Cette dernière est proche de l’action basique, mais plus efficace, plus forte.

Il sera ainsi possible de faire du troc au marché et ainsi acquérir les précieux récipients à djinns, ainsi que leurs indispensables bouchons.  

L’académie permettra de remplir sa jauge de puissance magique, voire l’améliorer en action avancée, l’énergie magique étant indispensable à la capture des djinns.

Recruter des mages à la taverne, qu’il faudra payer pour services rendus, sera aussi très efficace, d’autant qu’ils sont généralement spécialisés sur des essences de djinns. En action avancée, ils vous fourniront aussi une clé, très utile pour ouvrir des coffres, remplis de ressources, dans les catacombes de la ville.

La fabrique, elle, vous fournira l’équipement pour être mieux préparé, ainsi que des bouchons.

Enfin, les archives vont fourniront monts et merveilles en ressources, nouveaux cercles magiques et surtout la possibilité de mettre des passages sur les quartiers carré (action basique) et ainsi faire une seconde action basique de votre choix lors de votre passage.

Au centre de la ville, la source magique sera là pour recharger vos batteries magiques, et même avoir l’opportunité de capturer un boss djinn.

Maintenant qu’on a tout l’attirail pour devenir un Djinnbuster en puissance, comment fait-on pour les attraper ?

Equipement de chasseur de djinns

Ce qui est pratique avec les djinns, c’est qu’ils ne se cachent pas. On les trouvera toujours dans les quartiers ronds (action avancée), et toujours en groupe, souvent sous l’œil méfiant d’un boss djinn.

Présent dans le quartier, notre apprenti aura juste à dépenser de cette fameuse énergie magique pour capturer ces créatures. Il en faudra de manière suffisante, surtout pour les boss dont l’énergie requise est proportionnelle au nombre de djinns mineurs encore présents à ses côtés.

Pour cela, à sa propre puissance (souvent assez faible en début de partie), il faudra compter sur les mages recrutés. Et il faudra surtout empêcher les scélérats de s’enfuir grâce aux cercles magiques disponibles de son plateau personnel, ou en les enfermant à jamais dans une bouteille adéquate. Sans oublier d’enfoncer le bouchon bien fort pour être sûr qu’il n’en ressortira plus. Cette dernière solution sera bien plus rentable pour la gloire finale.

Quand tous les boss djinn auront disparu de la surface du plateau de jeu, la menace qui pèse sur la ville s’en trouvera bien amoindrie. Il sera temps de prendre du repos et de déterminer l’apprenti qui aura été le plus talentueux.

L’esprit au fond de la bouteille

La première chose qui frappe visuellement avec Djinn, au-delà de sa couverture inquiétante, c’est son plateau de jeu. Le choix a été fait de pouvoir le rendre modulable en « dépunchant » certains éléments, et le placer selon son bon vouloir : adaptation en fonction du nombre de joueurs, placement des quartiers pour des parties renouvelées. Il faut reconnaître que c’est plutôt efficace, même si j’aurais presque aimé plus de modularité sur le marché ou l’académie, par exemple.

Djinn est très généreux dans le matériel fourni, entre les figurines de djinns, les ressources, et les nombreux tokens. Le plateau est très lisible, toutes les informations sont claires sur le plateau central ou les plateaux joueurs.

Dans l’ensemble, Djinn est assez classique dans ses mécaniques : gestion de ressources et de déplacements sur le plateau. La programmation des déplacements fera le sel du jeu, afin de bien voir l’ordre dans lesquels on veut activer les quartiers, surtout si on les a bonifiés. L’interaction sera présente car c’est une course pour attraper les djinns qui se met en place.

Si les boss seront la cible de tous les joueurs, leur difficulté les laisseront inaccessibles dans un premier temps. Il faudra se rabattre sur les djinns mineurs. Dans la mesure du possible, les joueurs essayeront de cibler un même type de djinns car en enfermer trois identiques dans leurs bouteilles respectives octroiera un bonus appréciable. Il est ainsi fréquent de se faire chiper le djinn convoité sous le nez, et il faudra alors s’adapter.

La chasse au djinn est aussi continue, sans temps mort, et les joueurs s’efforceront de toujours avoir de la magie disponible. En effet, il est obligatoire de chasser un djinn chaque fois qu’on est dans leur quartier, soit un tour sur deux car quartiers ronds et carrés sont placés alternativement sur le plateau. On peut éviter une tentative de capture en perdant un peu de puissance magique, mais c’est tout de même dommage.

Heureusement, le jeu permet facilement de se refaire une santé et pouvoir repartir à l’attaque. Mais une mauvaise programmation peut vous faire prendre du retard dans la partie.

Il y a plusieurs moyens de monter en puissance dans la partie, que cela soit par l’équipement, l’amélioration de son potentiel de magie ou le nombre de cercles magiques. Sur les quelques parties faites, il a toujours été possible d’atteindre tous les seuils de progression, ce qui est plutôt gratifiant mais peut s’avérer un peu frustrant pour les joueurs cherchant une réelle difficulté. Les joueurs ne progresseront pas tous de la même manière, mais arriveront tous au même niveau.

Une part de chance peut aussi déplaire aux joueurs adeptes du contrôle total. Les bénéfices des coffres sont aléatoires et peuvent ne pas correspondre à votre besoin. Les nouveaux djinns envahissant les quartiers après la fuite ou la capture d’un boss est faite de manière aléatoire. Dommage si on cherche à compléter une collection ou que nous avons des bouteilles vides, et que les djinns apparaissant ne correspondent pas.

Un gros point fort du jeu est son démarrage asymétrique. En début de partie, les joueurs devront choisir une tuile de départ positive, et une négative. Celles-ci peuvent avoir un vrai impact sur la manière dont on va jouer. Par exemple, on ne pourra plus ouvrir les coffres avec les clés, ou on gagnera de la puissance magique au lieu d’en perdre quand on fuit un djinn. S’ils ont peu d’influence entre les joueurs, ces départs contribuent au bon renouvellement de l’expérience de jeu.

Djinn est une très bonne découverte, dynamique, intéressante. Bien que ne sortant que peu des sentiers battus, il a su me surprendre par l’expérience qu’il propose, et l’envie de me remettre à la chasse aux djinns à plusieurs reprises. Sa complexité est accessible, ce qui permet de le présenter à des joueurs moins familiarisés avec ce genre de jeux, mais permet tout de même une courbe de progression pour apprendre à maîtriser les arcanes de la capture de djinns. 

Crédit photo de la bannière : Stéphanie Verbeure sur BGG.

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