Covert ou comment jouer les espions de la guerre froide

L’auteur de Covert que je découvre par ce jeu, Kane Klenko, semble avoir le vent en poupe car plusieurs de ses productions ludiques sont en ce moment sur toutes les lèvres comme Fuse ou Flatline. Il s’agit aussi de l’auteur de Dead Men Tell no Tales, vous savez, le jeu avec la superbe pochette de combats de navires…

Covet Box

Covert est un jeu de gestion et de course d’objectifs pour 2 à 4 joueurs dans un univers d’espionnage pendant la guerre froide, proposant différents mécanismes connus comme de la pose d’ouvriers à base de dés, une mode qui ne faiblit pas.

Le jeu est sorti en VO l’année dernière pour Essen 2016 chez l’éditeur américain Renegade Game Studio qui publie plusieurs titres fort intéressants. Il était d’ailleurs d’ores et déjà dans le radar de la rédaction pour la GenCon 2016 avec une petite attente à l’époque.

La pochette m’a tout de suite intrigué mais je me suis dit : “Bof, encore un jeu d’enquêtes dont je ne suis pas spécialement fan”. Mais j’avais bien tort sur ce point (il ne s’agit pas du tout d’un jeu d’enquête !) et bien m’en a pris de vouloir l’essayer : chaque joueur incarne le chef d’un réseau d’espions opérant dans l’Europe de la guerre froide.

 

Petit coup d’oeil au matos

Le plateau de jeu représentant l’Europe découpée en 6 régions colorées. Il a un look un peu basique avec des graphismes « old school ». Ce plateau propose une zone sur le côté pour les tuiles chiffres de décodage, 4 roues d’actions avec les emplacements des dés sur le haut, et une invitation à présenter les cartes Agence sur le bas.

Plateau Covert entier

 

Le reste du matériel est plutôt de bonne facture, bien illustré, offrant une bonne immersion dans le thème, avec une mention spéciale pour le livret très bien agencé comportant le rappel des informations importantes dans un cadre clair pour une mise en place plus rapide des futures parties. Le paravent permet de rappeler certains pictogrammes, notamment la définition des jetons bonus « opérations spéciales ».

 

De quoi il retourne ?

Le but du jeu est simple : il s’agit de remplir des cartes missions donnant des PV en fin de partie et demandant plusieurs types de conditions, telles que détenir et défausser certains types d’équipement d’espion, avoir l’un de ses agents présent dans une ville ou région spécifique.

Casser les codes de nos objets permet de les acquérir et chaque carte déverrouillée peut-être utilisée pour satisfaire une mission ou conservée pour empocher 2 PV en fin de partie.

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Chaque joueur débute la partie avec une carte chef de réseau, 3 agents placés comme indiqué par la pioche au hasard de 3 cartes Agence, 2 cartes objets codés, les 5 dés et 15 cubes à sa couleur. Un jeton de relance de ses dés (à utiliser une seule fois dans la partie) vient compléter son petit arsenal d’espion en herbe. Puis chaque joueur reçoit 2 cartes Agence conservées secrètement, ainsi que 2 cartes missions choisies parmi 3 reçues.

Le tour de jeu consiste en une première phase de lancement puis placement de ses 5 dés (on tourne en posant un dé à la fois sauf pouvoir spécial) sur les zones de roues d‘actions dédiées en respectant deux conditions : la valeur inscrite et devoir être adjacent à un dé déjà présent. Chaque zone action contient en effet une roue de seulement 6 emplacements numérotés de 1 à 6 :

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L’emplacement « opération spéciales » est une zone acceptant n’importe quel dé et constitue ainsi l’action par défaut : elle permet de piocher immédiatement un jeton bonus du sac appelé « opération spéciales » qui peut être joué à bon escient dans un futur tour.

On peut même en activer plusieurs à la fois en déclenchant différents effets immédiats à usage unique : faire +1 ou – 1 sur un dé (le 1 pouvant devenir un 6 et vice-versa), placer 2 dés, obtenir 3 déplacements pour ses agents, piocher 3 cartes mission ou Agence et en garder une (très fort), obtenir une permutation supplémentaire pour casser un code (j’y reviens ci-dessous) ou récupérer une carte défaussée par un joueur adverse. Chaque jeton utilisé retourne dans le sac. Bref, ces jetons sont très utiles en permettant d’avoir un peu plus de contrôle sur nos dés et obtenir des actions additionnelles.

Enfin, il est possible de poser un (ou plusieurs) dés près de la zone de décodage afin de l’utiliser lors de la phase de résolution à la place d’un chiffre manquant pour débloquer le code de l’une de nos 2 cartes objets verrouillés.

Le premier à passer (on peut sacrifier des dés non posés) s’empare du jeton premier joueur pour la phase suivante de résolution, en commençant par tenter de casser le code de l’une de ses cartes verrouillées, chaque joueur réalisant l’opération de décodage l’un après l’autre : une permutation horizontale ou verticale entre 2 tuiles chiffre est permise tout comme le remplacement d’un (ou 2 chiffres mais moins probable car pénalisant) chiffre par un dé placé dans cette zone au préalable. Il est possible de permuter 2 chiffres se trouvant en début et fin de ligne mais ils ne sont pas considérés comme adjacents pour casser un code.

Decodage

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Casser un code signifie de faire apparaître la combinaison de 3 chiffres de notre carte dans le sens de lecture de gauche à droite.

Autant dire que la position des chiffres aura bien évolué pour les derniers joueurs qui auront donc plus de mal à casser le code de l’un de leurs objets… d’où l’importance du premier joueur lors de cette phase initiale tout comme dans les suivantes pour choisir son action en premier… Il est possible de casser ses 2 cartes objets qui deviennent alors des équipements à conserver pour leur PV ou à dépenser pour remplir une mission. On repioche immédiatement une (ou 2) carte(s) parmi 2 piles d’objets (code au dos caché) si bien que chaque joueur a en permanence 2 cartes équipement codés à résoudre.

 

Une fois que la phase de décodage s’achève, chaque joueur réalise dans l’ordre du tour une action en reprenant l’un de ses dés qui permet :

  • Le déplacement de chacun de ses 3 agents sur une ville connectée en laissant une trace (un cube à sa couleur) sur la ville de départ. Il est possible d’activer plusieurs dés en une seule action pour déplacer chacun de ses agents plus loin (une ville connectée par dé consommé).
  • Prendre une carte Agence visible étalée en bas de plateau d’une région où se trouve au moins l’un de ses agents. Retirer 2 dés simultanément de la roue d’action permet de choisir soit une carte Agence de n’importe quel emplacement quelque soit la position de nos agents dans les régions ou en piocher une à l’aveugle du paquet correspondant. On remplace immédiatement l’emplacement vide par une carte piochée du paquet.
  • Prendre une carte Mission parmi les 3 disponibles visibles ou en piocher une à l’aveugle du paquet. Une limite de 3 cartes Missions en main est imposée, il est possible d’en prendre une quatrième mais il faut alors en défausser l’une de son choix !
  • Réaliser une Mission en défaussant les pré-requis : cette action est le cœur du jeu puisque elle rapporte des PV à la hauteur de son niveau de difficulté. Les cartes Mission réalisées sont placées visibles de tous devant son paravent.

 

Roues des actions

 

Les cartes Agence (dos représenté avec une mallette) sont primordiales car elles sont en réalité multi-usages. Une limite de 7 cartes Agence est à respecter et la carte peut représenter au choix du joueur 4 éléments différents représentés en la défaussant :

  • Une carte voyage en avion vers la ville indiquée sur la carte, opération très pratique pour déplacer un agent à l’autre bout de l’Europe (un peu comme dans Pandémie), surtout qu’on peut la jouer ainsi à son tour comme action supplémentaire…
  • ou un objet équipement pour satisfaire l’un des éléments d’une carte Mission à remplir.
  • ou une action bonus (opérations spéciales)…
  • Le dos de la carte représente une mallette : symbole demandé sur certaines cartes Mission.

 

Carte équipement

 

Déplacer ses agents laisse des « traces » et des informations matérialisées par nos cubes déposés sur les villes de départ, une opportunité que pourra saisir les agents adverses : récupérer 2 cubes adverses de la même couleur permet d’acquérir une carte Agence supplémentaire visible sur la région correspondante ou de la pioche. Opération qui peux s’avérer précieuse. En effet, les cartes Agence accélère le développement de notre réseau en offrant des choix tactiques intéressants en les utilisant pour l’une de leurs caractéristiques.

 

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La fin de partie arrive lorsqu’un joueur a rempli sa sixième carte Mission, enclenchant la fin de la manche, puis il est possible pour chaque joueur d’accomplir une seule dernière Mission en défaussant ses éléments restants : jetons bonus, carte Agence pour voyager, équipement, mais sans réaliser d’action ni activer le pouvoir de son personnage.

 

Exemple de decompte final

 

Intéressant à soulever, le jeu comporte aussi un système de chaînage des cartes Missions octroyant pour certaines un objet / région bonus à ne plus dépenser pour les Missions suivantes réclamant cet objet / ville dans cette région.

Bien sûr, les Missions aux pré-requis les plus simples rapportent peu de points de victoire tandis que celles plus ardue à réaliser sont plus lucratives : logique, sauf qu’un joueur remplissant plusieurs petites Missions peut mettre la pression sur ses adversaires en les prenant de vitesse en engendrant une partie courte, une stratégie « rush » possible.

L’interaction est cinglante et fait pas mal couiner car on se fait souvent souffler la carte ou l’action convoitée genre « pourquoi tu prends la mission avec Bonn ? Tu n’y es même pas alors que moi, si… »  « Oui, sauf que je suis en possession d’une carte me permettant d’y voyager… ».

Chaque chef de réseau possède une capacité spéciale et la mise en place est aléatoire donnant des départs asymétriques et différents à chaque partie.

 

2 persos

 

► À noter que le jeu n’est pas si facile à expliquer au départ, non pas de par sa complexité car il est au final plutôt fluide mais par l’imbrication des différentes actions et les cartes Agence multi-usages. On est au début un peu noyé en se demandant comment on va combiner les différentes possibilités puis tout devient limpide une fois la première manche achevée.

 

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Mon expérience & verdict 

Covert mélange donc de la programmation, du placement de dés ou pose d’ouvriers, de la collection de cartes et objectifs, le tout demandant un esprit tactique et pas mal d’opportunisme.

La mayonnaise prend bien même si l’aspect calculatoire est bien présent, accompagné d’aléatoire non négligeable dû aux dés et au tirage des cartes. En effet, un lancé de dés avec des chiffres identiques rend plus compliqué la phase de placement et la zone « opérations spéciales » devient alors très utile mais sans grand contrôle ! Le jeton relance de dé est à ce moment là bien utile (un élément complètement oublié dans notre partie).

 

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J’ai découvert le jeu dans une partie dans sa configuration maximale de 4 joueurs. En début de session, certaines actions sont très prisées comme celle pour acquérir les cartes Agence : les places sont chères pendant que d’autres comme celle des Missions achevées sont délaissées… ce sera le contraire vers la fin du jeu bien sûr, où tous les joueurs cherchent avidement à remplir ses cartes Missions mais seulement 6 places sont disponibles !

J’ai vraiment beaucoup aimé le jeu qui s’avère fluide et offre des options tactiques intéressantes dans une durée de jeu raisonnable (environ 1h30 sans se presser).

Il pourrait rebuter les joueurs les plus experts et exigeants à cause de son aspect trop aléatoire mais il permet à l’inverse d’accueillir des néophytes autour de la table en faisant office d’un jeu relativement accessible, passé la première marche d’explication. 

pic2833485_mdOn s’amuse bien en réfléchissant au meilleur coup en tentant d’éviter de se faire doubler. Le jeu fourmille de bonnes idées, comme le petit casse-tête des codes des objets ou la récupération des traces / informations des agents adverses donnant le bonus d’une carte Agence lors du déplacement de nos propres agents.

Pour conclure, j’ai donc trouvé le jeu plutôt accessible avec une grande liberté tactique et de bonnes idées, sans pour autant révolutionner le genre.

La fin de partie a tout de même suscité chez moi une grande envie d’y rejouer très vite, notamment pour le faire découvrir à mon entourage ludique, que ce soit avec des joueurs experts ou plus occasionnels.

Une VF est prévue chez Renegade France mais il va falloir ronger son frein et patienter puisqu’elle est annoncée seulement pour fin 2018. Une patience qui devrait être récompensée par un prix moins élevé que la VO (un peu excessif : environ 60 €) mais certains espions sont très prompts : les Missions furtives n’attendent pas…

 

Les autres articles de ce chroniqueur par ici.

 

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La fiche de jeu

Un jeu de Kane Klenko
Illustré par Chris Ostrowski, Hokunin, Luis Francisco
Edité par Renegade Game Studios
Langue et traductions : Anglais (VF en fin 2018)
Date de sortie : 2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée d’une partie entre 45 et 90 minutes

 

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2 Commentaires

  1. morlockbob 07/11/2017
    Répondre

    Merci de ma rafraîchir la mémoire, j’avais oublié ce jeu que j’avais pourtant noté sur ma liste. On se retrouve dans un an alors…

  2. 6gale 27/12/2017
    Répondre

    Merci pour la découverte, Christophe. Joué et approuvé. Un jeu intermédiaire (familial +) prenant et bien huilé.

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