Breaking Bad : Le jeu qui donne bonne (methampheta)mine

Ne vous méprenez pas, nos deux amis qui font du cosplay de « la soupe au choux » sont redoutables. À moins d’avoir passé les 5 dernières années dans un cachot mexicain, vous le saviez déjà. Qui n’a pas entendu parler de cette série mettant en scène un prof de chimie mourant qui, pour mettre sa famille à l’abri du besoin, décide de fabriquer de la drogue ? Gros succès qui fit entrer Heisenberg, l’un des plus fameux anti-héros que la télévision américaine ait imaginé, dans le panthéon des personnages cultes. Après les tasses, les T-shirts, les figurines Pop, il fallait bien que le jeu s’y intéresse.

Ce n’est pas une première. De Harry Potter à Rambo, de Fast & Furious aux Goonies, ou Buffy…. la liste est longue des franchises qui ont basculé sur un plateau, soit par le biais de réadaptations de jeux existants (Bang devenu Walking dead, Pinguin party devenu Intrigue à Westeros…) soit par de réelles créations plus ou moins pertinentes (plutôt moins, mais ne généralisons pas).

 

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Cooking ?

 

Breaking Bad est un jeu interdit au moins de 18 ans, le thème, vous l’aurez compris, n’étant pas des plus évident quand on veut jouer chez mamie après le poulet du dimanche.

Du poulet, il en sera question dans ce jeu, mais aussi de la drogue (blue sky), des labos clandestins, des alliances (et des trahisons) et des agents de la DEA (la police qui n’aime pas la drogue car la drogue c’est mal, faut-il vous le rappeler).

Dans ce jeu, vous aurez donc le choix : soit être du côté de la justice en incarnant un policier dont la mission sera de fermer ces f*** labos et mettre hors service les méchants soit être un vil dealer pourrissant notre belle jeunesse (ce qui est plus tentant, vous l’avouerez). Les lieux, acteurs emblématiques de la série, vous les reconnaîtrez facilement, le jeu étant illustré par des photos (un choix visuel qui ne passe pas chez tout le monde, à vous de juger). Labos, cartes, points de vie et cristaux de Meth, plateau perso de votre clan (Heisenberg, DEA, Los Pollos Hermanos, Salamanca…) avec un petit pouvoir (capacité) qui est propre à chacun. Chaque perso est lié à un paquet de cartes dont l’activation sera par moment sujet à votre niveau de danger / niveau de blue sky.

 

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Embrassez qui vous voulez

 

Les gangs ont à leur disposition des cartes qui permettront de fabriquer plus vite de la meth, de la ricine (poison) ou du fulminate de Mercure (chez Heisenberg), de parier sur la Vendetta, des fusillades et autres attentats (cartel de Juarez)… Les gangs sont complémentaires : si Heisenberg sait fabriquer la blue sky, les autres cartels ont la puissance de feu et d’intimidation. Il n’y aura pourtant qu’un seul gagnant.

La DEA n’est pas en reste avec ses actions de surveillance, perquisition, garde à vue… elle est capable de détruire les labos et de ruiner un clan en le mettant en prison. Et de commettre une bavure policière, mais cela reste entre nous.

Concrètement ?

Les cartes et le moment de s’en servir sont donc au cœur de ce jeu. Vous aurez à votre tour deux actions obligatoires (la même si vous le voulez) : Piocher une carte / jouer une carte / utiliser une capacité. Vous avez droit à une action supplémentaire en payant 2 cristaux, deux cartes ou un point de vie (ce qui est très risqué pour certains personnages qui en ont peu). Ne faites pas n’importe quoi car vous pouvez vite vous mettre hors service. Un risque exagéré doit en valoir le coup car sans calcul préalable cela vous claquera entre les doigts : Ici quand on est mort on ne revient pas dans la partie. C’est Breaking Bad pas Zombicide.

 

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Les actions et leur coût

 

Le gros de la partie est donc un échange de cartes avec la pioche, de pose de cartes, de chance et d’alliances qui ne dureront pas. Pourquoi s’allier ? Un peu comme le co-voiturage : tu as le labo et pas de chimiste, je suis chimiste et je n’ai plus de labo. Il y aura donc discussion et négociation. Les alliés iront-ils au charbon ensemble si ça tourne mal ? J’avoue que dans les parties jouées, les alliances ont peu fonctionné, chacun préférant utiliser son propre chimiste tant que possible.

Jusqu’ici c’est classique. Le petit plus : le niveau de danger. Comme suggéré plus haut, le niveau de danger est en rapport avec le nombre de cristaux possédés par le criminel. Suivant son niveau vous pourrez jouer ou non certaines cartes. Par exemple, pour utiliser une carte enlèvement chez Heisenberg, il faudra posséder 4 cristaux minimum. La DEA sera confrontée au même problème puisque leur indice de recherche (leur puissance d’intervention) devra se confronter au niveau de danger du criminel pour agir. Plus le criminel a une grosse production, plus il se fait repérer et plus la police peut mener des opérations d’envergure. Dans le cas de enlèvement (4+), la DEA ne pourra utiliser que ses cartes valant 1 ou 2 de niveau d’indice, c’est-à-dire de force moyenne.

 

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la Dea: sobriété et hiérarchie

 

Les conditions de victoire sont différentes pour la police ou les gangs. Quoiqu’il en soit, la partie s’arrête quand tout le monde est mort sauf un (c’est un métier dangereux !), quand la DEA a saisi tous les labos ou quand un gang a atteint son objectif de vente.

 

Respecter la chimie ?

Breaking Bad est typiquement le genre de jeu sur lequel il est douloureux d’écrire. Aïe ça fait mal ! Voilà un jeu qui pose question, où je vais relire 6 fois de suite la règle, éplucher les cartes une par une et me dire à chaque fois que j’ai loupé quelque chose. Tout cela à cause d’une trop grande différence entre ce que le jeu semble être et son rendu final.

Les mécanismes sont bien standards : cartes attaques / contre, pioche… Le jeu a tout de même une intention intéressante et on voit bien où il veut nous emmener. Le résultat est moins évident. On a souvent l’impression de se répéter, d’attendre la bonne carte et de jouer ce qu’on peut quand on peut.

Le niveau danger est une bonne idée pour limiter d’entrée certaines actions puissantes et donner au jeu une progression qui doit l’amener au « grand final ». Il peut être bloquant si le niveau de danger reste stable. Dans la partie à 3 où je jouais la DEA, j’ai commencé par bloquer mes adversaires par de petites actions. Je me suis vite rendu compte que si je ne les laissais pas prospérer (et donc augmenter leur niveau de danger), je ne pourrais pas activer des cartes de niveau supérieur. Eux l’ont bien compris et ont limité sciemment leur fabrication, se concentrant sur les fusillades. On a joué au chat et à la souris un moment puis on s’est arrêté lorsque qu’Heisenberg (il a peu de points de vie) s’est fait dessouder. Bilan : Partie découverte pour connaître les cartes et avoir une idée du jeu, une stratégie axée sur la fusillade plus que la production, longue, peu payante et répétitive.

 

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C’est nous les gentils

 

On rectifie le tir avec une partie à 4 : elle sera différente avec les 3 gangs en présence et plus d’interaction. Malgré une tentative d’alliance, chacun a surtout essayé de fabriquer du cristal dans son coin. Et tirer sur la DEA. C’est quand le jeu a commencé à devenir rentre-dedans avec des cartes plus puissantes que Jesse (clan Heisenberg) a gagné en réussissant ses ventes. On se dit qu’on aurait dû le freiner mais on était concentrer sur autre chose.

En partie à 5, la configuration s’avère bizarre puisqu’un clan se voit doté de 2 personnages et du même paquet de cartes. Ce qui veut dire que les cartes tournent plus vite pour une faction, le paquet étant utilisé 2 fois dans un tour alors qu’il ne le sera qu’une fois pour les autres joueurs. Contre partie, ce clan doit produire 18 cristaux au lieu de 12. Finalement ce sera une partie à 4 puisque tout le monde s’allie contre le gang double afin de rééquilibrer les forces en dégommant un de ses membres. Le survivant doit néanmoins continuer à produire 18 cristaux !

 

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Blue Sky, y a pu qu’à la vendre

 

Le niveau de danger est une bonne trouvaille, pas toujours évidente à gérer et fluctuante suivant les ventes de meth. C’est néanmoins un des rares éléments qui pimente la partie même si c’est parfois à double tranchant (ne pas jouer tout n’importe quand / être contraint d’attendre les mêmes cartes si le niveau est bas). A contrario, un évènement comme « aller en prison » peut devenir cauchemardesque. Disons-le, c’est du niveau du 1000 Bornes : attendre la carte « better call saul » qui vous libère. Mourir trop vite n’est pas non plus une bonne option à moins que vous vouliez préparer un gateau pendant que les autres jouent. On félicitera Tuco pour son pouvoir d’intimidation : si vous croisez le regard du joueur qui incarne Tuco Salamanca, vous perdez une carte. Très party game, un peu WTF. Pourquoi pas.

 

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In the lab

 

Bilan

Pour les fans inconditionnels de la série qui ne demandent pas la lune quand ils achètent ce genre de produit de licence (si vous êtes du genre à acheter le 6 qui prend walking dead par exemple…), le jeu atteint son but : on manipule du cristal, on essaie d’échapper à la police, aux gangs, on négocie car on est en situation de faiblesse, on attaque car on est fort, on met les gangs sous surveillance, tout cela se tient que l’on joue flic ou voyou (comme disait Belmondo). L’ambiance est bien retranscrite et des passages de la série vous reviennent en mémoire au cours de la partie. Le matériel y aide grandement, reprenant des images des épisodes ainsi que des phrases sur certaines cartes « faire de la cuisine, c’est de l’art et le cristal que j’en sors, c’est d’la bombe ». Un beau travail d’adaptation.

Pour ceux qui n’ont pas suivi les mésaventures de Walter White et qui pensent qu’Heisenberg est une mauvaise bière, ce sera plus difficile d’adhérer, idem si vous êtes un joueur un peu expérimenté. On est loin de la qualité ludique d’un Battlestar Galactica. Breaking Bad est un jeu simple, je dirais bien « familial » si le thème n’était pas aussi violent, un jeu dont on sait que c’est l’imagerie qui fera vendre, bien avant un quelconque intérêt ludique. À ce niveau, il propose néanmoins plusieurs mécaniques. À la fois gestion de cartes, prise de risque, négociation, trahison, attaque… Il fait vite penser à Bang! (Ludochrono – Bang) dans l’esprit et la façon de se servir des cartes « je tire des cartes, j’attaque, je perds des points de vie, j’en reprends… » ce qui n’est pas un reproche, juste une façon de le situer.

Breaking Bad, malgré une diversité d’actions possibles (pas toujours réalisables), reste un jeu opportuniste dans lequel on a du mal à planifier un développement. Le fait d’attendre certaines cartes (pour être libéré de prison) ou d’être tout simplement éliminé du jeu (vous vous  rappelez de vos parties de Risk quand vous êtes le premier à dégager de la mappemonde et que vous n’avez plus qu’à regarder les autres ?) sont des tue-l’amour sans retour.  

Peut-être que le jeu est à creuser ? Après 5 parties, je ne vois néanmoins pas se dessiner de réelle stratégie ou émerger des subtilités qui m’auraient échappé. Si le fait de sortir la boîte provoque l’adhésion, l’envie de recommencer n’est pas au rendez vous. J’avoue qu’étant fan de la série, j’ai été ravi de me replonger dans l’univers de Walter White, mais si je n’avais pas eu ce JP à écrire, j’aurais arrêté la drogue rapidement. Le jeu semble avoir un potentiel, propose des choses intéressantes, du moins sur le papier. En situation, il est loin d’être fluide, fonctionne en dents de scie et donne l’impression de tourner en rond. Dommage, le thème était cool.

 

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On était quand même à fond !

 

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2 Commentaires

  1. snaketc 20/07/2018
    Répondre

    Ton avis semble confirmer ceux des autres. On peut passer à côté.

  2. Eloquente Désinvolture 20/10/2018
    Répondre

    Je ne suis pas d’accord. c’est un jeu qui se joue un peu en rôle play au vu des capacités spéciales de chaque personnages, une partie peut être radicalement différentes d’une autre en fonction des joueurs et des personnages choisis ou imposés.
    Certains joueurs se sont tellement éclaté a s’être leagué contre la DEA qui les avait freiné pendant des heures on voulus en refaire une autre directement malgré le temps passé sur la première partie car elle s’est du coup finit très vite. La DEA régule le rythme de la partie et empêche que cela avance trop vite pour un clan ou un autre.
    ( au passage : La carte « prise de pouvoir » suivi de fusillade utilisé par plusieurs joueurs consécutivement peut vite venir à bout de la DEA donc il serait  bon de trouver une règle pour empêcher un assassinat aussi simple ou la prise de pouvoir ne devrait pas être une action gratuite)
    Jusqu’ici mes joueurs en redemande, je ne trouve donc pas que cela soit du simple fan-service. Ce jeu à tout pour devenir culte.

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