► E.D.I.T.O. Rassure-moi, parle-moi geek
On vous parlait de la présence parfois un peu étouffante de la bête à tentacules la semaine dernière, revenant sur les diverses raisons pouvant expliquer cette popularité.
Mais au-delà du simple phénomène Lovecraftien se pose plus globalement la question de la culture geek aujourd’hui : passée de dominée à dominante, ne devrait-elle pas se remettre un peu plus en question ?
On sait combien c’est rentable désormais de surfer sur tout ce qui touche à la culture geek. Nos vieilles cartouches de SNES prennent de la valeur, les T shirt de Geek sont le top de la coolitude, être ingénieur informaticien signifie avoir le pouvoir sur les machines qui régissent l’univers, on ne raterait un épisode de Daredevil pour rien au monde, la loi Godwin est aussi connue que la loi travail, et pouvoir déblatérer quelques mots de Haut Elfique/Klingon/Dothraki*, c’est trop tendance. Comme souvent, ce qui était underground hier est devenu sexy, récupéré par le système. C’est pas pour rien que la Française des Jeux est allée chercher les Space Cowboys.
*Ou savoir dire Cthulhu « comme il faut » 😉
Les petits qui regardaient Jeanne et Serge à la TV sont devenus des consommateurs, des parents, des chefs d’entreprise. Alors pour leur parler, et surtout pour leur vendre, on leur fait du pied, parfois subtilement, sous forme de goodies clins d’œil qui titillent leur fibre nostalgique, et souvent plus franchement, en sortant un énième jeu Cthulhu/Zombie/Star Wars/and co, parce que hey, ça marche après tout, pourquoi ré-inventer la poudre ?
La revanche des geeks
Vous voyez bien le problème. À force de se rassurer en s’envoyant nos petits signaux qui nous confirment que oui, on est bien tous issus de la même contre-culture, ne finissons-nous par devenir incroyablement mainstream, un brin nombrilistes, et ine fine, une grosse cible marketing sur patte, aux mouvements bien prévisibles ?
Jeu de société ou cinéma, même combat. William Friendkin, réalisateur de L’Exorciste et de French Connection, déclarait dans une interview à Charlie-Hebdo en juillet dernier : « Rien ne tuera le désir des studios de faire des films énormes en 3D, en IMAX, avec des types qui règlent tous les problèmes du monde en volant dans les airs, flanqués d’un costume en plastique, d’une cape et d’un masque. Ce que veut le public, partout, c’est s’enfuir de la réalité. Mais cette évasion n’a rien à voir avec la fantaisie d’un Fellini. C’est la queue de comète de la révolution Star Wars. »
Un peu violent, mais ça pousse à la réflexion.
Toute cette situation est d’autant plus étonnante et paradoxale que les geeks sont par définition (dans la base historique et étymologique) tout sauf les gars dans la lumière qui ont le pouvoir (d’achat, d’influence…). D’après le suprageek Pete Warden (@petewarden) : « C’est là que réside le problème. Nous nous comportons toujours comme les rebelles de l’Alliance [de La guerre des étoiles], alors que nous sommes devenus l’Empire. »
Bref, le nerd d’antan est devenu un papa (/une maman) avec un gros portefeuille : Alors quoi ? On le caresse dans le sens du poil en lui rappelant combien Goldorak ou Dune c’était cool au détour d’un easter-egg, et hop, c’est dans la poche ? Ou est-ce qu’à force on ne risque pas de le lasser, voire de le détourner de ses premiers amours ?
- Ouaip, sur le Vox on parle de l’actu (ho la belle Chimère !), mais pas que. La preuve s’il en fait avec la mise sous les spotlights de Rallyman : le JP et l’itw de l’auteur. Merci Alendar pour ce chouette travail.
- Nous avons envoyé Tintin petit reporter aka Fendo l’International dans les soirées parisiennes de Blue Orange. Il a bu du champagne et ça s’entend, par ici le podcast !
- Le Spiel des petits Nenfants est annoncé, bravo Martin !
- Après l’article sur Nippon, nous vous disons tout sur Signorie !
- De la conférence pour les gens sérieux : discussion autour de la création avec Marie et Wilfried Fort, Jim Dratwa, Florent Toscano, Thibault Quintens ou encore Julien Hanoteaux ; et Vincent Bidault nous propose de réfléchir, de penser le jeu comme un outil de médiation, de prise de conscience de l’autre.
nono781 22/06/2016
Super intéressant ton édito ! Ca m’a fait cogité et en me renseignant sur le sujet je suis tombé sur cet article du monde qui est pas mal aussi : http://internetactu.blog.lemonde.fr/2015/01/03/geek-sexiste-plus-que-sexy/
TheGoodTheBadAndTheMeeple 22/06/2016
la culture geek est devenue une culture de plus menée par le fric. C’est triste de voir le fric tout corrompre, mais c’est aussi cool car ça permet de pousser la geekerie là ou elle n’aurait jamais pu aller il y a 20 ans…
Comme pour tout ce qui compte c’est le sens du dicernement, et de l’analyse pour ne pas tomber dans tous les gros panneaux clignotants du marketing a outrance.
Molloy 23/06/2016
ça me rappelle une video d’usul qui résume bien la situation pour moi :
peu être parce que moi non-plus je n’avais pas de booster MBK et que je jouais à secret of mana!